Les débuts d’année sont propices aux premières mises en bouteilles. Pierre-Henri Cosyns fait part des différentes points de vigilance de cette étape importante pour la qualité des vins.
PRÉPARER LE VIN
Je raisonne mes embouteillages en fonction des différents vins. Les points de vigilance varient selon le type de vin : vin rouge, sans soufre ou vin blanc aromatique. Aussi la mise en bouteille est la touche finale . Il faut bien la préparer car c’est une étape primordiale pour la réussite de nos cuvées. Il est préférable de confier cette mission à un prestataire si on est sans compétence en interne. Je commence par une préparation du vin adpatée au type de mise et au circuit de commercialisation. Je soigne aussi le choix des matières sèches. Je dresse une liste des principaux points à examiner pour assurer une mise en bouteilles. Cela que je la fasse moi-même ou que ce soit un embouteilleur à façon.
Anticiper ses matières sèches est primordial dans le contexte actuel. Pierre-Henri a acheté 50 000 bouteilles en 2022 pour assurer 6 mois de conditionnement en 2023.
FILTRER ET AJUSTER LES GAZ
Avant la mise en bouteilles, je clarifie et si besoin, je stabilise le vin (notamment les blancs avec une stabilisation à froid dynamique au carbonate de potassium). Les sans soufre sont filtrés au filtre tangentiel, par un prestataire, si le cahier des charges final le permet (attention une dérogation est obligatoire pour le Label Demeter). Sinon nous utilisons un filtre à plaques ou un filtre cartouche. Cela arrive aussi que nous embouteillions le vin sans filtration à l’aide d’une crépine inox. J’essaie de minimiser les montées en pression du vin que ce soit en filtration préparatoire ou finale. Si je peux utiliser la gravité c’est idéal. Pour mes vins sulfités, j’ajuste le SO2 libre toujours entre 15 et 20 mg/L une semaine avant la mise. Aussi je prête très attention au gaz carbonique : avant mise, pour les rouges, sa teneur doit être de 400-500 mg/L . Pour les blancs, j’aime bien le côté perlant, alors nous n’hésitons pas à garder 1 000-1 200 mg/L . Avant mise, je prélève un échantillon du vin prêt. En fonction de l’analyse, les ajustements de ces gaz peuvent être réalisés. Si besoin pour le CO 2 , nous réalisons dans ce cas un barbotage à l’azote, avec un matériel prêté.
À relire : article du Vitisbio 12 « Gestion des gaz dissous : trouver un bon équilibre »
ANTICIPER LE CHANTIER
La logistique doit être planifiée et synchronisée par rapport à la date de mise : commande, réception et contrôle des matières sèches, choix et réservation du prestataire (si embouteillage à façon) ou entretien et contrôle du matériel (si matériel de l’exploitation). Jusqu’à 15 000 bouteilles, j’utilise ma propre chaîne de mise. Cela m’apporte meilleur coût, souplesse de travail, autonomie et une maîtrise personnelle des réglages. Je fais appel au prestataire en période de travaux en vert et s’il s’agit de gros embouteillages. Nous avons moins de temps. 48h avant, je prépare le chantier en vérifiant la mécanique, les réglages, les graissages. 24h avant, je procède à la stérilisation de tout le circuit avec un karcher qui produit de l’eau à 70°C et de la vapeur. Je mets le vin à température, entre 17 à 20°C . Pendant la mise, je fais des contrôles périodiques notamment de hauteur de remplissage, de dépression après bouchage (aphromètre), du CO 2 (carbodoseur), de la qualité de bouchage et de l’état des mors... Je stérilise quotidiennement l’ensemble du groupe : différents protocoles existent, en cas d’utilisation d’eau chaude ou de vapeur. Il faut regarder les durées effectives d’utilisation en fonction de la température souhaitée. En cas d’emploi de produits de nettoyage ou de désinfection (soude et eau oxygénée), je vérifie l’absence de résidus par un test de rinçage au papier pH.
ATTENTION À L’HYGIÈNE DE LA TIREUSE
Pendant les temps morts (pause de midi), et en particulier quand la température est élevée, il est primordial de vider la tireuse et de désinfecter les becs à l’alcool (pissette). Je réalise un avinage au départ et après chaque pause prolongée. L’ eau est utilisée pour le nettoyage de la chaîne, l’affranchissement des filtres, et le rinçage des bouteilles. Sa qualité doit être irréprochable. Privilégier l’emploi d’eau de ville (réseau). En cas d’utilisation d’eau de puits, faire analyser un échantillon pour vérifier sa qualité (potabilité, absence d’odeur ou de mauvais goût). Se rapprocher de son organisme certificateur sur ce dernier point. Il faut aussi penser à tout l’aspect réglementaire : délai de déclaration de mise, contrôles qualité, respect des registres d’embouteillage, la réglementation des habillages (mentions légales, taille des logos, mention bio...). Bref, toute la traçabilité en général !
VALIDER LES ÉTIQUETTES
Pour ce qui est des mentions bio, il faut bien se renseigner et faire valider ses premières étiquettes par son OC. On voit trop souvent des bouteilles avec le Logo AB uniquement alors qu’il est facultatif. Le logo officiel est le logo feuille européen. Les couleurs sont aussi réglementées, ainsi que les codes certificateurs. En 2024, la réglementation obligera à afficher tous les ingrédients sur l’étiquetage ou par dématérialisation. Les vins bio et nature seront finalement les plus préparés car beaucoup de vignerons bio utilisent peu d’intrants de vinification et d’élevage. Bref, le « contrôle est partout de mise ». C’est notre dernière intervention sur notre produit ! Attention à ne pas prendre à la légère les compétences spécifiques que cela demande. Au risque d’altérer les qualités du vin.
Pierre-Henri Cosyns
© Pierre-Henri Cosyns
LE PARTAGE DE PIERRE-HENRI :
Penser à l’enquête intrants de l’Itab
Une enquête nationale est réalisée chaque année par l’Itab sur les pratiques œnologiques. J’aime bien la lire car elle liste les intrants utilisés, les pratiques usuelles, les filtrations, etc., sur tous les types de vins.
Tous les vignerons sont invités à participer à cette enquête en ligne, n’hésitez pas !
Et l’enquête sur les pratiques de 2021 est consultable et téléchargeable.