Parcours en Gironde épisode 2 :
Un beau millésime en perspective !

Le 20/10/2022 à 14:33

Tous les raisins rentrés, les fermentations quasiment terminées, Pierre-Henri Cosyns commence à entrevoir comment le millésime 2022 se profile. Retour sur les vendanges au Château Grand Launay.

Les vendanges 2022 : aboutissement de cette saison particulière.

 

VENDANGES À LA PARCELLE

Que veut dire Launay ? Les anciens ne nommaient pas les lieux sans raison… C’est le pays des Aulnes… ah tout s’explique ! On a aussi Canterane, de l’occitan « Cante » « rane » lieu où chante la rainette, la grenouille. Un lieu propice à l’humidité, et aussi aux insectes… et autres cicadelles. Lorettes, la pomme d’Amour, c’est plus imagé et coquin mais ce sont aussi des noms qui soulignent certaines anecdotes. C’est toujours plus sympa que D0651 33 01430. À chaque parcelle son petit nom donc, un nom décidé en total brainstorming avec les salariés ; à chaque parcelle ses petits maux aussi, oui. Et cette année, encore une fois, à chaque parcelle sa date de récolte. 

 

 

BIENFAIT DU SOL COUVERT ET POREUX

Nous avons commencé les vendanges au mois d’août, c’est la troisième fois. Nos sauvignons étaient parfaits. Habituellement la récolte commence autour du 10 septembre. Encore une fois, le réchauffement climatique change radicalement les dates de vendanges. Les pluies ont été rares durant l’été. Les sols couverts ont cependant bien résisté à la sécheresse. Nos terroirs argilo-limoneux, s’ils sont travaillés avec parcimonie, conservent une certaine fraîcheur et une réelle porosité. Un sol sur-travaillé et compacté fait cocotte-minute. Mais un sol couvert non poreux ne fait pas mieux. Un sol couvert, structuré et poreux tempère les aléas, limite la perte hydrique, protège la biocénose et remonte de la fraîcheur par capillarité. Cela réussit s’il y a une porosité biologique, un bon fonctionnement du fameux complexe argilo-humique et un taux de matière organique cohérent.

 

À chaque parcelle sa spécificité et date de récolte.

DES SAUVIGNONS SAINS

Donc, je reviens aux sauvignons : des sauvignons gris, choisis pour une peau plus épaisse, plus résistante au botrytis en année difficile. En 2022 pas de botrytis. Nous pouvions déterminer la date de récolte juste en fonction de l’aromatique : pas trop tôt pour éviter des thiols omniprésents, en allant un peu plus loin dans la maturité mais tout en gardant de la fraîcheur. Je les vinifie après une vendange manuelle ou mécanique. Cette année, par souci de simplicité, tout est vendangé mécaniquement. Sacrilège pour certains, cela assure une récolte rapide et à la fraiche. Les raisins sont vite envoyés dans notre pressoir pneumatique de 22 hL, pour un   pressurage léger puis un débourbage à 10-12 °C. Et ce, sur 2 ou 3 jours. Pendant ce temps un   pied de cuve en levures indigènes   est lancé sur le modèle du projet Casdar Levain Bio. Stéphane Becquet, l’œnologue et vinificateur des Vignerons bio Nouvelle-Aquitaine et expert Itab, ayant travaillé sur ce protocole, passe une fois par semaine chez tous les adhérents du syndicat. Nous profitons ainsi d’un avis extérieur, œnologique et règlementaire. Les fermentations se sont bien passées. Le sol nous a rendu service avec des azotes assimilables non déficients. Un petit démarrage de fermentation malolactique en fin de sucres a été la seule petite inquiétude.

 

La table de tri Viniclean.

ROUGES : COMPROMIS POUR LA DATE DE RÉCOLTE

Nous vendangeons le plus gros des rouges à la machine. Nous avons commencé le 14 septembre et fini le 23. Cette année nous voulions obtenir une maturité phénolique correcte sans trop de richesse en sucre, tout en gardant une certaine acidité. En effet, vinifier en respectant le cahier des charges Demeter reste complexe en cas de degrés importants. Notre cuverie est équipée de thermorégulation : nous optimisons la dynamique de fermentation en évitant un échauffement prématuré, pouvant provoquer un ralentissement de la fermentation et un risque de Brettanomyces. Il y a un arbitrage à faire entre maturité, itinéraire de vinification et profil de vin souhaité. Comme pour les blancs, dès l’encuvage nous introduisons des pieds de cuves de 3 % du volume nominal, préparés quelques jours avant.

Les cuves sont limitées à 26 °C. Cela se passe bien et les FA se terminent correctement. Les degrés finaux oscillent entre 13,5 et 14,5 % vol. Les structures sont intéressantes, les équilibres aussi. Finalement les acidités remontent en FA. Nous maintenons les cuves après FA sous marc pour une cuvaison longue, avec un mouillage du chapeau de marc tous les 3 jours. Les vins prennent alors en complexité et en rondeurs. Il y a toujours une phase un peu inquiétante après la fin de la FA, où les tanins sont durs et verts. Puis, après quelques jours ils s’arrondissent et, dans les meilleures cuves, offrent un certain velours.

À relire : « Article Vitisbio : Réussir son pied de cuve »
À télécharger aussi : protocole de pied de cuve bactérien pour les FML

 

Pierre-Henri Cosyns prévoit des cuvaisons longues pour les rouges.

BEAU MILLÉSIME À VENIR

Sur les rouges aussi, 2022 sera un superbe millésime. Certes les degrés sont importants, mais les équilibres sont là ! Il faudra rester vigilants sur les Brett car la microbiologie du millésime est riche. En Gironde, selon les endroits, les rendements sont plus ou moins bons. Notre moyenne au domaine cette année devrait être de 50 hL/ha pour un rendement max autorisé de 54 hL et une moyenne AOC de 35 à 40 hL. Très positif donc pour des vignes en bio et biodynamie ! Je suis confiant, le vin sera chouette. Pourtant l’anxiété est là. La filière vin souffre, les metteurs en marché se sont détournés des AOC communales. La Gironde est le premier département viticole bio désormais. De nombreux volumes vont arriver ces prochaines années. J’y vois une belle opportunité pour redonner de la valeur aux vins et aux exploitations. Une chance pour développer notre vision de la viticulture biologique. C’est une occasion en or pour les acheteurs souhaitant lancer des marques bio aussi. Mais c’est un risque pour la production si nous laissons l’économie de marché opposer la nécessaire protection du pouvoir d’achat à la rentabilité de nos exploitations.

Pierre-Henri Cosyns

© Pierre-Henri Cosyns

LE PARTAGE DE PIERRE-HENRI :
Tester la fin des FA avec Clinitest

Certains se demandent comment tester la fin de la fermentation alcoolique sans envoyer d’échantillon au laboratoire, car le mustimètre ne suffit pas. À une époque, je faisais moi-même des dosages à la liqueur de Fehling. Il existe aussi un petit protocole avec des pastilles Clinitest prévu pour le médical. Cela marche bien en blanc.