Parcours dans l’Hérault épisode 8 :
Un millésime très spécifique

Le 25/08/2022 à 9:45

La saison 2022, avec ses nombreux aléas climatiques a été et reste rude dans de nombreux vignobles. Qu’en est-il au domaine de Cébène ? Stress hydrique, faible pression de l’herbe et des maladies… Brigitte Chevalier fait le point.

Herbes sèches dans un plantier de carignan.

On se demande comment la vigne peut s’épanouir (et pousser) avec seulement deux apports d’eau par an ? Les années se suivent et ne ressemblent pas et le vigneron s’interroge toujours sur le profil du futur millésime en scrutant les indices du quotidien. Nous n’avons pour ce millésime aucune référence si l’on se base sur la hauteur et sur la répartition des précipitations.

Tableau des précipitations des dernières années sur Faugères (en mm)

DES ANNÉES QUI NE SE RESSEMBLENT PAS

Ce tableau ne dit pas tout.
2018, l’année du mildiou : des précipitations un jour sur deux au printemps, mais surtout une hygrométrie de 90 à 95 % pendant des semaines. Cette maladie est quasi inconnue dans notre région si ce n’est sur grappe de grenache où il faut être vigilant.
2019 : aura donné des vins plus solaires, surtout si l’on a récolté sans avancer la date de récolte.
2020 : une bonne tenue du végétal, une fraîcheur naturelle dans les vins.
2021 : des grains plus gros qu’à l’accoutumée car l’alimentation en eau a été régulière, et une maturité plutôt tardive.
2022 : un régime hydrique éprouvant pour la vigne. Après des pluies acceptables en novembre, une seule pluie de 400 mm en mars dernier sur deux week-ends !
Le millésime 2003 a laissé des mauvais souvenirs à beaucoup de vignerons. Si ce millésime se montrait flatteur en novembre 2003, beaucoup de vins se sont avérés déséquilibrés sur l’alcool et la surmaturité aromatique dès l’été suivant la récolte.
La crainte reste un décalage important entre la maturité des sucres et la maturité phénolique.

Le mois d’août 2022 reste à l’image du millésime : des précipitations violentes sur des courtes durées, très inégalement réparties. À Cébène, des précipitations de 70 mm en deux orages ont réalimenté les ceps dans la mesure où la forte pierrosité freine le ruissellement et facilite la pénétration de l’eau. Ces pluies ne favoriseront pas pour autant une taille raisonnable aux zones stressées qui garderont des petits raisins. Mais l’équilibre des moûts et la maturité s’en trouvent toutefois largement favorisés.

Racines de vigne dans les anfractuosités des schistes : la parade pour capter un maximum d'eau !

PLUS OU MOINS SENSIBLE AU STRESS HYDRIQUE

Il faut bien garder en tête que les très faibles précipitations (exemple : les 65 mm du 2e trimestre 2022) ne parviennent pas aux racines. Les vieilles vignes de grenache et carignan ne présentent pas de stress hydrique. Les plus jeunes ont une couleur d’un vert plus clair, mais le grossissement des grains reste satisfaisant. Le cépage mourvèdre exprime déjà sa sensibilité à la sécheresse, avec un grossissement des grains faible. Les schistes ne sont pas très riches en argile et n’ont qu’une faible rétention d’eau, mais ici le stockage est spécifique, dans de profondes anfractuosités entre les feuillets que les racines explorent très profondément.

Le stress hydrique est plus notable sur les jeunes pieds de carignan (à gauche) que sur les vieux (à droite).

MALADIE, HERBE : FAIBLE PRESSION

L’arrêt de croissance est intervenu à Cébène fin juin. Le développement végétatif est faible. La vigne aurait-elle ainsi trouvé un équilibre en limitant la surface foliaire et la dimension de sa pompe à eau ? Le désherbage sur le rang ne s’est pas avéré nécessaire, les adventices ont séché mi-juin, après une floraison anticipée par une très faible alimentation hydrique. Elles ont constitué un écran intéressant au rayonnement solaire, sans pour autant effectuer un réel paillage. Les sols de schistes en période sèche, avec des engins peu lourds, ne se compactent pas, aussi il n’a pas été nécessaire d’intervenir depuis le labour automnal.
Les adventices sont restées avec un développement modéré. Nous avons tondu les zones les plus enherbées en mai, pour ne pas concurrencer la vigne en eau. Le mildiou ne s’est pas montré dans ces conditions. Nous n’avons pas constaté un seul foyer primaire, ni de repiquage. L’oïdium demande toujours de la vigilance, mais le poudrage à la boîte en début de saison a apporté sur carignan, cépage très sensible, une protection efficace et une baisse de la pression de la maladie (voir plus bas).

PRÉVISIONS DIFFICILES

Quelles vont être les spécificités de ces raisins au niveau perception d’alcool, équilibre, caractère aromatique, précocité, qualité et importance des tanins ? Nous n’avons pas de boule de cristal, et pourtant il nous faut anticiper beaucoup de paramètres, pour adapter notre comportement en vinification. Non pas pour refaire le vin du millésime précédent, mais pour rechercher à exprimer le meilleur de ce nouveau millésime.

Brigitte Chevalier
© B.Chevalier

 

LE PARTAGE DE BRIGITTE :

La lutte contre l’oïdium

L’oïdium reste la menace essentielle, son arrivée n’est pas toujours simple à prévoir.
Les très grosses chaleurs ne favorisent pas systématiquement des interventions à la date souhaitée. Il faut en effet composer avec les températures extrêmes. Et les échaudages du 28 juin 2019 avec 45 °C dans certaines communes héraultaises ont gravé les mémoires, même pour les vignerons épargnés par ce cataclysme ! Le soufre poudre, avec son effet vapeur, semble avoir moins de risque de brûlure que le mouillable qui peut déposer une pellicule sur le grain. La précaution d’un traitement à la boîte garde une belle efficacité. C’est la méthode systématique de nos anciens qui utilisaient une « soufrette », sorte de boîte dont une face est percée. Tout en marchant, on renverse la soufrette au-dessus du cep. Une quantité de soufre assez importante tombe sur les bourgeons qui débourrent et sur le tronc. Les   doses à l'hectare sont faibles car l’apport est très localisé. À cette date nous ne constatons aucune brûlure. Le soufre qui reste plusieurs jours a une très bonne efficacité par son action prolongée, malgré des températures modérées nécessaires pour le vaporiser. Et nous avons pu constater encore une fois, l’importance de débuter le cycle végétatif avec des parcelles saines. Aucune trace d’oïdium sur les parcelles traitées ainsi, alors que la maladie s’est installée cette année sur des parcelles proches, même sur des cépages peu sensibles. Il est quasiment impossible de nettoyer les attaques, une fois installées.