Transmettre. À ses enfants, à ses repreneurs, mais aussi à de futurs installés sur d’autres domaines… Un défi agricole que relèvent les Thibon, en accueillant et formant de nombreux jeunes (et moins jeunes !). Pour eux, l’avenir de la profession est là, alors ils s’appliquent à partager leurs expériences et leur amour du métier.
Prendre et laisser la place
Je souhaitais vous parler de ce qui nous tient le plus à cœur à Libian : la transmission. Et je crois, qu’en tout paysan, il y a cette volonté, cette prière latente : saurais-je transmettre ? Bien sûr, on y arrive tous à peu près à « transmettre son exploitation » mais au-delà de ça, il faut arriver et pouvoir transmettre ce que l’on a appris, ce que l’on a reçu, et cette flamme qui nous anime jour après jour : l’amour et le respect de la terre. Nous avons vécu deux passages : celui de nos parents et celui pour notre fils et neveu Aurélien. Je suis admirative de la façon dont nos parents nous ont donné des ailes pour voler, puis quand elles ont été suffisamment efficientes, de nous laisser nous en servir. Oh ! Avec ma sœur Catherine nous ne sommes pas parties bien loin puisque nous sommes restées à Libian et Alain nous y a rejoint… Mais, il leur a fallu nous faire confiance, laisser la place, se retirer avec élégance, assister à nos erreurs, à nos échecs tout en étant absolument présents sans être envahissants, c’est certainement l’exercice le plus difficile de la transmission. Aujourd’hui, c’est à nous trois d’accompagner Aurélien. Il doit, pas à pas, endosser la responsabilité de Libian en s’appliquant, en respectant, en aimant, toujours tendu vers le but ultime : transmettre à son tour.
Se former, en dehors des cursus scolaires
Alors oui, il y a la transmission familiale mais il y a également la transmission et le partage extra familiale. Et c’est vraiment de ceci que j’aimerais vous parler, surtout à une époque où le nombre de paysans s’effondre et ou la terre va avoir besoin de bras et d’attention.
Oui, je veux vous parler de tous ces jeunes qui nous traversent, nous enrichissent et avec qui nous tentons de partager la noblesse du monde paysan. Ils nous rendent tellement heureux et fiers qu’il est juste de leur consacrer un épisode ! Ils peuvent arriver à la maison soit en tant que wwoofers soit en tant que stagiaires. Le devient de plus en plus une alternative aux formations officielles. Peut-être qu’aujourd’hui certains jeunes attirés par le monde paysan ne se retrouvent pas dans les formations scolaires, ou bien, pour certains, le wwoofing, première immersion dans ce monde, leur offre le temps de la réflexion.
Les « néos » : l’avenir de l’agriculture ?
Quoi qu’il en soit, nous recevons de plus en plus de demandes de jeunes trentenaires, déjà installés dans la vie, dans un métier citadin mais avec le pressentiment que ça ne va pas le faire et qu’ils ont soif d’autres choses. Nous avons une tendresse particulière pour eux, car nous, paysans de souche, connaissons la difficulté du métier et savons qu’elle nous est plus légère, plus supportable que pour eux. En effet, nous avons tété avec le lait maternel la constance, l’effort, les heures de travail, l’absence de vacances, l’abnégation et l’acceptation dont il faut faire preuve. Nous savons que nous allons y arriver et les moments de désespoir sont moins intenses et surtout il y a le travail d’équipe-famille qui soutient quand il y a un coup de mou. Tout ça, ils ne l’ont pas ! Ils ont en revanche la force de la jeunesse dans le métier, la capacité de tout oser, tout innover, tout à créer, rien à prouver à ces prédécesseurs, tout inventer. Et surtout, surtout, l’amour du métier car eux ils l’ont choisi ! Car c’est bien ça qui fait mourir le monde paysan : faire ce métier par défaut et facilité pour éviter de se prendre en main. Alors nous sommes persuadés que le monde paysan dans son ensemble sera sauvé par les « néos ». Merci à vous tous !
Pierre, pour reconstituer un vignoble
En hommage à tous ces nouveaux vignerons, nous aimerions vous parler de Pierre, Carlo, Maxime, Perrine, Noémie, Florent et les autres. Je ne vous parlerai pas de Robin car il a ouvert la danse de ces lettres de vigneron. Pierre, installé aujourd’hui en Isère, est bien le plus bel exemple que nous pouvions citer ! Pierre est arrivé chez nous dans l’idée de changer de vie et Libian aura été sa première expérience viticole, puis durant plusieurs années il ira vinifier un peu partout en France tout en préparant son installation. Il avait quelques terres en friches de son grand-père en Isère, et il a conçu le projet un peu fou de reconstituer un vignoble là où il n’y en avait plus. Avec les acacias, il a fait des piquets pour ses futures plantations en cépages autochtones, le reste du bois il l’a vendu, quelques terres sont venues compléter le futur domaine, lentement patiemment il a avancé. Parfois certains projets nous font un peu peur… Mais avec Pierre nous savions qu’il allait réussir. 2020, premiers raisins, première vinification chez un voisin, 2021, construction de la cave, Bravo et longue vie au à Lentiol !
Carlo, le pari osé
Carlo La Rocca, installé dans le Gard depuis 2018. Ah ! Carlo ! Quelle histoire incroyable : Sicilien, ingénieur en pétrochimie à Lyon, débarque un jour à Libian pour deux semaines de wwoofing. Récidive peu de temps après et nous annonce qu’il veut tout plaquer pour devenir vigneron ! waouh ! Il est marié et père de deux enfants. Le pari est osé, nous lui conseillons de faire un an de BTS à Beaune et de travailler chez un autre vigneron. Un an après il trouve 2 ha de vignes pas trop loin de chez nous (40 min en voiture), les achète et les travaille à la main et à dos (super sur un millésime comme 2018 où il pleut tout le temps) en habitant encore à Lyon et souvent à la maison… Il s’en sort super bien et l’année suivante reprend encore 2 ha, s’équipe un peu mieux et installe sa famille dans le Gard. Les deux premières vinifications, élevage, mise en bouteilles sont faits à Libian le temps que la cave se construise. Le est sur rail avec de jolis vins et une commercialisation qui se construit favorablement ! Bonheur !
Maxime, Perrine, Noémie, Florent et les autres…
Maxime, est arrivé à Libian pour un stage, il était à la fac de viti à Dijon. Puis il est allé voir beaucoup d’autres vignerons. Aujourd’hui il a monté un joli petit négoce en Beaujolais et acquis sa première parcelle de vigne. Longue vie à !
Perrine est venue pour la première fois à Libian en wwoofing au printemps 2017. Après des tours et détours, elle s’est installée dans le Roussillon en s’adossant à une grande vigneronne tout en gardant un autre métier à .
Noémie, travaillant par intermittence mais régulièrement à Libian depuis 2016 et découvrant la traction animale a monté une petite entreprise de prestations de service avec son cheval Iouki : d'un seul trait. On croit en toi !
Florent vient à Libian depuis l’âge de 14 ans pour les petits jobs d’été. Chemin faisant l’envie de devenir paysan se précise. Il fait un BTS Viti-Oeno en apprentissage chez nous. À 20 ans, il vient de créer deux structures : une de prestation de service pour les vignerons bio de la région et une pour travailler quelques hectares de vignes. Nous venons de lui en céder 1,8 (ça tombe bien c’est trop grand chez nous). Il souhaite en trouver encore trois. Florent, félicitations, on te fait confiance, tu vas réussir !
Et puis il y a les enfants de vignerons qui ont repris les domaines des parents et qui nous ont beaucoup appris : , …
Et comme les mots me sont comptés je ne vais pas plus m’étendre, mais on est tellement fiers et heureux pour eux : ils sont notre espoir et notre avenir.
Le partage d’Hélène : Quelques conseils lors de l’installation
Si nous pouvons nous permettre deux ou trois conseils pour votre installation :
- Appuyez-vous toujours sur un domaine existant
- Allez voir ceux qui viennent de s’installer et appréhendez les galères qui vont advenir
- Avec tous les départs en retraite qui se profilent, c’est le moment !
- Pensez au changement climatique et assurez-vous de ne pas vous installer dans des secteurs trop incertains (gel, grêle, brûlures, sécheresse…)
- Soyez heureux
Hélène Thibon
(Crédit photo: Mas de Libian)