Muscadet, puis Beaujolais… et nous voilà maintenant arrivés dans les Côtes du Rhône. Chaque quinzaine Vitisbio va suivre Hélène Thibon, vigneronne au Mas de Libian à Saint Marcel d’Ardèche. Dans ce premier épisode, faisons connaissance avec cette paysanne vigneronne passionnée !
La bio, une évidence... depuis toujours
Bonjour, je m’appelle Hélène Thibon et comme nous allons passer quelques mois ensemble, les présentations sont indispensables… Je suis vigneronne à St Marcel d’Ardèche, rive droite du Rhône, dans l’appellation Côtes du Rhône au Mas de Libian. Ce domaine a été acheté par ma famille en 1670 et cultivé en bio (ça c’est normal à cette époque) mais quand mes parents ont repris en 1970, ils n’ont pas cédé aux sirènes de la chimie et de la facilité. Pour mon père, c’était du bon sens paysan « on ne fait pas de la vie avec de la mort », pour ma mère c’est différent : en effet, elle était médecin à Lyon et elle avait connu et prescrit du Distilbène... Le scandale sanitaire, le drame humain que ce médicament engendre sur plusieurs générations l’ont rendu prudente. Je l’entends toujours nous dire « on n’a pas assez de recul, prenez garde... ». Le domaine a été officiellement certifié en bio et demeter (accompagné par Pierre Masson) en 2004.
La famille au centre
Depuis, nous travaillons en famille : mes parents, Catherine ma sœur, Alain mon compagnon, et notre fils Aurélien depuis 2016. Je vais employer le pronom « nous » non pas parce que je me prends pour le roi soleil et aime parler à la troisième personne, mais bien parce que nous sommes une famille et que nous vivons et travaillons tous pour Libian. Bien sûr nous ne sommes pas seuls, Maxime et Clément, deux valeureux garçons ainsi que quatre autres saisonnier-ères nous accompagnent d’avril à juin, l’équipe de vendanges, sans oublier les nombreux wwoofers et stagiaires qui font un petit bout de chemin avec nous. Dans la famille, sauf ma maman, nous sommes tous nés pratiquement dans les vignes. Nous avons tous été scolarisés le plus tard possible (après l’âge fatidique des 6 ans) et le moins longtemps possible. Nous avons tous l’âme paysanne. Notre chemin de vie est la transmission. Je ne vous ressers pas la célèbre phrase de Saint Exupéry, mais c’est vraiment ce qui nous porte et nous lie.
D'abord des paysans !
Le Mas de Libian est situé à Saint Marcel d’Ardèche, pointe sud de l’Ardèche, versant Rhône. Nous avons coutume de dire que de l’Ardèche nous n’en avons que le nom... En effet, nous sommes plus Rhodaniens : terroirs en galets roulés et argile rouge, beaucoup de terrasses, peu de calcaire (alors que les gorges de l’Ardèche ne sont pas loin mais sur l’autre versant). Les cépages principaux : grenache, mourvèdre (de plus en plus) et syrah. Notre situation climatique dément notre situation géographique : et oui, nous sommes les plus au nord de la vallée du Rhône sud et pourtant les premiers à fleurir et à vendanger.
Avant d’être des vignerons, nous sommes d’abord des paysans ! Nous cultivons essentiellement de la vigne, sur 25 ha, mais aussi 7 ha de terres vivrières avec ce qu’il faut pour nous nourrir : des oliviers, c’est notre seule source de matière grasse et c’est trop bon ! Mais aussi deux grands jardins, céréales et foin pour nourrir les animaux : chevaux, âne et poules et la « horde » de chiens SPA... On ne sait pas fabriquer les croquettes ! Nous avons un cheval de trait (Bambi) qui travaille avec Catherine les 5 ha de vieilles vignes autour de la maison et une petite ânesse (Clochette) qui fait le maraîchage. Depuis peu nous accueillons un autre trait comtois, Youki travaillant avec sa Noémie en prestation de service pour d’autres vignerons. Nous aurons certainement l’occasion d’en reparler.
L’intégralité du vignoble est travaillée soit au cheval soit au chenillard. Des engrais verts , conseillés par Éric Maille d’Agrobio Périgord, sont semés juste après vendanges un rang sur deux, broyés et enfouis début avril. La gestion de l’herbe passe aussi par du décavaillonnage, piochage, remise à plat et binage puis rebelote. Les vendanges sont manuelles, et la taille non mutilante, suite à des stages avec François Dal. Les vignes sont en gobelets (palissées ou non) et un peu de cordon de royat (mais on n’aime pas et ça fait longtemps que l’on ne plante plus de cette façon).
Vinifier, oui mais des raisins de qualité d'abord !
Nous vinifions et commercialisons en bouteilles l’intégralité des raisins produits sur le domaine. Il est difficile de donner un rendement ces derniers temps, les conditions climatiques rendent le volume de production assez.... comment dire ?... fluctuant.... Mais on tente d’atteindre environ 1 000 hL de moyenne, soit 40 hL/ha environ. Nous produisons à 85 % du rouge sur quatre cuvées : le Vin de pétanque (jeune vigne, vin sur le fruit, croquant, à boire sans complexe et sans modération), Bout d’z*n (ah oui maintenant il y a une * à la place du « a » depuis que Haribo s’est intéressé à notre cas). Khayyâm, la majorité de notre production et La calade, une cuvée différente et plus intime. Il y a également un blanc Cave Vinum et un rosé Buvez’en. Ces vins sont commercialisés pour plus de la moitié en France par l’intermédiaire de cavistes et restaurants. Selon l’adage paysan « ne pas mettre tous ces œufs dans le même panier », le reste est vendu à l’export (Amérique du Nord, Asie, Australie et Europe du Nord).
Pour ce qui est de la vinification, elle est d’une banalité souvent source de déception auprès de nos stagiaires. Car finalement vinifier, c’est un peu comme passer un examen : le travail a été fait avant ou pas, mais au jour J, c’est un peu tard pour y penser, non ?
Ça ne veut pas dire qu’on se la coule douce en cave, car finalement faire naître et élever un vin, un enfant, c’est quand même un sacerdoce.... On en reparlera au prochain épisode !
Hélène Thibon
(Crédit photo: Mas de Libian)