JOURNAL DE BORD D'UN VIGNERON
Vitisbio suit un vigneron pendant une année. Chaque quinzaine, nous découvrons son actualité, ses enjeux techniques, ses difficultés et ses réussites !
En ce début d'automne, Robin Euvrard continue de surveiller l'évolution de ses fermentations, et soigne sa vigne avec des préparations biodynamiques. La période, plus calme, lui permet de réfléchir à la question du matériel végétal.
À quelles tâches occupez-vous ce début d'automne ?
Le début de l’automne, c’est le temps des petits travaux à la vigne. C’est un moment plus calme où tout ralentit et où je peux prendre le temps de remettre de l’ordre dans le foisonnement d’idées d’un démarrage de projet. Je rouvre la question du matériel végétal par exemple. Si je m’écoutais, je ferais moi-même la production des plants, le greffage, la plantation… Par intérêt personnel avant tout, ayant un penchant fort pour ce geste technique et chargé symboliquement. Mais il me faudra arbitrer et prioriser les chantiers à venir. J’avais tout de même complanté 200 porte-greffes dans la parcelle de melon B au printemps pour remplacer les pieds manquants. Le taux de reprise a été très bon, j’envisage donc de continuer cet hiver en contactant plusieurs pépiniéristes pour connaître leurs disponibilités pour des porte-greffes racinés. On me propose pour l’instant du gravesac, qui présente a priori de bons résultats dans le secteur car adapté aux sols acides, avec une bonne vigueur conférée. Lorsque ces porte-greffes seront bien développés, je viendrai y greffer des bois de melon B, issus de sélections massales prélevés chez des copains. J’ai également pris le temps de planter quelques pieds… de chardonnay ! Ces plants viennent d’un programme lancé par l’association Soin de la Terre pour la régénération de la vigne. Ce sont des pieds développés à partir de semis de bourgeons, réalisés deux ans auparavant en Bourgogne. Un projet ambitieux et cohérent, et une bonne façon pour moi de le soutenir, même modestement.
Les porte-greffes plantés au printemps. (© R. Euvrard)
À la vigne, des préparations sont-elles appliquées ?
Oui, car l’automne, c’est aussi le temps des derniers soins à la vigne. Je me suis plongé il y a quelques années dans le concept de la biodynamie. L’automne est la période pour l’application d’une préparation 500P (bouse de corne préparée) dynamisée. Je l’applique au pulvérisateur à dos en fin d’après-midi d’une belle journée automnale avec Igor, venu passer la semaine dans le secteur et qui réfléchit lui aussi à un projet d’installation. Je réalise également un passage de thé de compost oxygéné pour stimuler le couvert végétal, pour l’accompagner dans son développement avant l’hiver. J’y ajoute quelques litres de décoction de prêle, dans une approche globale de gestion du mildiou sur la parcelle. Dans un souci « scientifique », je m’oblige à garder quelques rangs « témoins » sur lesquels je n’applique pas ces préparations. Je sais qu’il est difficile de juger de l’utilité immédiate de toutes ces pratiques, mais en les suivant, je tente de m’inscrire dans une démarche de soutien et de stimulation des processus biologiques. Et pour tout dire, ces moments me font déjà du bien à moi, et c’est déjà important.
Au chai, comment évoluent les fermentations ?
Elles se poursuivent à la cave. Les cuves sont sur la fin des sucres, il ne reste plus que quelques grammes résiduels à consommer. La cave s’était refroidie mais des températures plus clémentes sont revenues, j’en ai profité pour ouvrir les portes du chai en journée, espérant relancer les dynamiques. Je déguste les jus (je pourrais dire les vins désormais, tant ils s’en rapprochent à présent) quelques fois par semaine, pour m’assurer qu’aucune déviance n’apparaît. Mais cette dégustation ne me permet pas de prendre toutes mes décisions : dois-je réchauffer certaines cuves pour les « aider » à finir leur fermentation ? Dois-je les soutirer pour éliminer des lies grossières, abritant potentiellement des bactéries néfastes ? Je prends l’option d’une observation au microscope avec Jérémie, à la Cab Pays de la Loire. Selon les échantillons, on distingue bien les cuves où la dynamique fermentaire se poursuit et celles où elle est clairement languissante. Celles où les bactéries sont présentes ou non. Après ces observations, je décide de soutirer l’une des cuves et d’en réchauffer une autre. Son pH étant relativement élevé (donc plus risqué), je décide d’y associer un apport léger de SO 2 pour la « nettoyer » de quelques bactéries. Les autres attendront sans doute le printemps.
Propos de Robin Euvrard