Alors que le printemps se fait sentir, la taille s'accélère chez Robin Euvrard. Prochain défi : travailler sur la régénération des sols, avec de nouveaux protocoles qui seront testés cette année.
Dans le vignoble nantais, les premiers bourgeons apparaissent sur les arbres. Où en êtes-vous de la taille ?
Je suis désormais à tailler dans le cabernet, l’une des nouvelles parcelles récupérées. L’avancée est pénible et les coups de sécateur nombreux, du fait en partie d’un non-ébourgeonnage les années passées et de vigueurs parfois excessives (ce qui entraîne des sarments de diamètre franchement imposant). Plus que pour les autres, cette parcelle demande un soin particulier pour tenter de restructurer les ceps pour les années à venir, ce qui ralentit considérablement la progression du chantier. Et comme j’ai fait le choix de débuter la taille tardivement, je commence à regarder du côté du calendrier.
Les conditions météo de cette fin d’hiver sont plutôt douces, et on voit déjà apparaître les premières fleurs, les premiers bourgeons sur les arbres des talus… alors qu’il me reste encore plus d’1 ha à tailler, ainsi que l’attachage des baguettes sur le fil. Heureusement, je ne manque pas de coups de main ! La bande des retraités d’abord, d’une efficacité redoutable pour éliminer et brûler les bois de taille. Se rajoutent également des copains motivés pour apprendre à tailler. Après une demi-journée de « formation accélérée », les voilà lancés à la recherche des « coursons bien placés ». Et tout ça dans la bonne humeur ! Aidé par le retour de températures matinales plus fraîches, je devrais pouvoir tenir le timing.
Et au chai, quoi de neuf ?
Je prends le temps de faire analyser les vins, une étape importante pour prévoir les mises en bouteille du printemps. Ça me permet aussi de me lancer dans des devis pour les bouteilles, les bouchons, et de réfléchir aux premiers noms de cuvées et étiquettes. Du côté vigne, les premiers équipements pour le tracteur sont arrivés, le pulvérisateur devrait être là la semaine prochaine… Ça ne fait plus de doute, le printemps approche !
Pour la suite, que prévoyez-vous ?
D’avoir mené une première année de culture me donne déjà quelques repères sur les choix techniques que j’envisage pour mes parcelles. L’hiver a également été une période féconde pour mes réflexions, entre les formations que j’ai pu donner et celles auxquelles j’ai participé, ainsi que les lectures ou les échanges avec d’autres vignerons. Je vois désormais assez clair sur la direction que je souhaite suivre. Au fond, je cherche les pratiques qui me permettront de renforcer la santé de la plante, pour la rendre plus résistante et résiliente face aux aléas techniques et climatiques. Et je suis convaincu que cette santé passe par une « régénération » des sols, encore plus dans nos systèmes viticoles, plantés sur des sols fragiles initialement (historiquement, on a plutôt planté la vigne sur les sols peu fertiles, caillouteux…), une fragilité amplifiée par plusieurs décennies de pratiques déstructurantes. Je pense pourtant que nous disposons aujourd’hui de moyens fiables et réalisables pour inverser la vapeur.
Que pensez-vous mettre en place pour régénérer les sols ?
Cette année, je compte tester plusieurs protocoles pour poursuivre cette démarche. Pour commencer, la réalisation d’analyses de sol couplées à des analyses de sève régulières pendant la saison me permettront de me faire une idée plus fine des équilibres nutritifs, préalable indispensable à une bonne physiologie de la plante. Je souhaite également pousser plus loin l’intégration de couverts végétaux tout au long de l’année, d’abord en inter-rang, pour répondre à ce principe élémentaire : ce sont les plantes, via les assimilats de leur photosynthèse, qui nourrissent et construisent les sols. Si on observe nombre de couverts hivernaux, il est plus rare de se lancer dans des couverts au printemps ou à l’été, avec la crainte récurrente de la concurrence hydrique et nutritive. En m’appuyant sur des techniques qui ont fait leurs preuves en grandes cultures (fissuration, compostage de surface avec l’emploi de ferments lactiques), j’espère pourtant aider la plante à progresser vers un système plus résilient, plus « fertile ». Enfin, l’emploi des thés de compost et des préparats biodynamiques seront des leviers supplémentaires pour renforcer ces processus. Désormais je n’ai plus qu’une hâte, c’est que la saison commence et que je puisse tester ces « nouveaux » protocoles. D’autres vignerons souhaitent également mettre en place des essais chez eux, ce qui nous permettra d’échanger et de comparer nos pratiques et nos résultats.