En février, Robin Euvrard avance sur la taille, avec une réflexion centrale : faut-il ou non laisser les sarments dans la parcelle ? En parallèle, il continue de se former à la biodynamie.
Comment avance la taille ?
J’attaque février avec en tête un programme tout tracé : ce sera le mois de la taille. Je progresse rangée par rangée, toujours dans la même parcelle de melon B. La parcelle d’1 ha en compte une soixantaine, et j’avance patiemment d’une rangée par heure environ. J’ai la chance d’avoir des coups de main réguliers, en particuliers pour le « déracage » : c’est l’enlèvement des anciennes baguettes enroulées autour du fil porteur. J’ai également décidé de revoir ma position pour la gestion des bois de taille. La question fait régulièrement débat et est source de divergence entre vignerons ou entre techniciens : faut-il broyer les sarments sur place, pour restituer au sol les éléments prélevés par la vigne l’année précédente ? Ou faut-il les exporter hors de la parcelle ? Cette dernière solution permet d'une part de limiter la pression sanitaire, car les bois morts pourraient potentiellement abriter des spores de champignons pathogènes, et d'autre part d'éviter de réintégrer au sol des matières dites « stables », ce qui nécessiterait d'apporter une fertilisation complémentaire pour assurer leur décomposition.
Au final, vous allez laisser les bois de taille dans la parcelle ?
L’an passé, j’avais broyé les sarments en même temps que l’engrais vert. Mais j’ai décidé de modifier ma pratique pour cette année. Le sol de ces nouvelles parcelles semble « fatigué » et peu à même d’accueillir ce nouvel apport. Je me base sur des signes très simples : je retrouve encore en surface des fragments de sarments des années passées, à peine décomposés. Ils avaient été broyés mais n’ont jamais été « digérés » par le sol. La décomposition de ces bois lignifiés demande beaucoup d’énergie à la vie du sol, et je crains qu’elle ne concurrence la vigne au cours du printemps à venir. Ma position aurait pu être différente si j’avais pu coupler un broyage avec un apport de matière organique de type fumier composté, ou si j’avais pu semer un couvert végétal avant l’hiver. Mais dans la situation présente je préfère choisir une autre voie et j’opte pour le brûlage des sarments sur place. À mesure que j’avance, je tire un petit brûlot mobile, fabriqué maison par Antoine et sa science de la soudure !
Vous être vigneron et formateur. Vous-même, participez-vous à des formations ?
Mon équilibre professionnel actuel repose sur deux activités : la production et la formation. Être formateur me permet d’enrichir sans cesse ma connaissance et ma compréhension de la vigne et des systèmes viticoles. Participer aux formations dispensées par d’autres me permet d’aller encore plus loin. Fin janvier, ce furent deux jours autour de la biodynamie avec Vincent Masson. J’avais déjà suivi ce module en 2013 (j’avais fait intervenir Vincent alors que j’étais conseiller technique au Gabnor). J’ai depuis participé à d’autres rencontres sur le sujet avec différents formateurs (dont une très belle approche en 2020 avec Claude Réaud), et mis en pratique certains volets dans les domaines où j’ai pu travailler. Ces deux jours m’ont replongé dans ce que je perçois comme l’essence de la biodynamie, à savoir une lecture riche et complète des processus biologiques qui animent nos systèmes agricoles (et au-delà, le monde du « vivant »). Dans l’approche précise et rigoureuse de Vincent Masson, la place est donnée aux interactions qui renforcent et amplifient ces processus biologiques. À titre personnel, ces échanges m’ont permis de mieux saisir le rôle et l’importance des rythmes qui influencent le vivant, sans pour autant que ces « ouvertures » ne nous éloignent de réalités plus palpables. L’approche de Vincent repose avant tout sur des pratiques agronomiques précises et complètes. Elle s’appuie également sur des pratiques biodynamiques exigeantes, avec des protocoles cadrés et l’utilisation de préparats de qualité. Ce sont des préalables indispensables pour espérer obtenir des résultats probants dans nos parcelles. À ce sujet, je participe à la mise en place d’une dynamique avec des agriculteurs voisins pour élaborer ensemble les préparats biodynamiques. Nous étions une douzaine lors d’une première rencontre, mêlant éleveurs et vignerons, avec l’objectif de produire notre propre bouse de corne (préparation 500) à l’automne prochain. L’enjeu est autant logistique (trouver 600 à 700 cornes de vache, définir le lieu où les enterrer…) que technique pour disposer des compétences nécessaires.
Propos de Robin Euvrard