JOURNAL DE BORD D'UN VIGNERON
Vitisbio suit un vigneron pendant une année. Chaque quinzaine, nous découvrons son actualité, ses enjeux techniques, ses difficultés et ses réussites !
En réflexion sur les investissements à réaliser pour l'année qui commence, Robin Euvrard nous parle aussi d’équilibre économique. Depuis deux ans, il est formateur auprès de viticulteurs.
Robin Euvard anime des formations sur la taille douce, ici à Gaillac (© R. Euvrard)
Quels sont les chantiers en cours en ce début d'année ?
2020 se termine et avec 2021, s’ouvre déjà la perspective d’une nouvelle campagne. C’est amusant de constater que depuis quelques années, depuis mon entrée dans le « monde » viticole, je compte bien plus volontiers en « millésimes » qu’en années civiles. 2020 était donc mon premier millésime en Muscadet, une année riche en émotions et la satisfaction d’avoir conduit ce millésime à mon rythme, en mettant en place ce que je souhaitais. 2021 s’ouvre avec une longue liste de chantiers à prévoir. Elle s’allonge rapidement et je sais par avance qu’il me faudra les prioriser. La finalisation des achats de matériel est d’actualité, et notamment la question centrale des cellules de traitement pour l’application des fongicides à base de cuivre et soufre. Vais-je continuer une année en prestation ou investir ? Quelles sont les possibilités pour des petites unités (sur micro-tracteur, sur quad…) ? Je dois rencontrer prochainement un concessionnaire voisin, ce qui m’aidera à finaliser mon choix. Viendra aussi la question de la gestion de l’enherbement, des engrais verts ou du nettoyage du cavaillon. Là encore, plusieurs pistes sont possibles, et il va me falloir choisir parmi le matériel disponible, son poids, son adaptabilité et… son prix. J’envisage mes premières mises en bouteille à partir du printemps, et il me faudra alors anticiper les noms de cuvées et le graphisme des étiquettes, les choix et commandes de bouteilles, bouchons. Enfin, je réfléchis à des plantations nouvelles de vigne, mais les plantations 2022 se planifient dès maintenant : choix du terrain, programmation des travaux et surtout choix des cépages et porte-greffes à mettre en pépinière. J’aimerais aussi pouvoir continuer la plantation d’arbres fruitiers autour des parcelles, commencée l’année passée. Bref, une année bien remplie en perspective.
Économiquement, comment s'équilibre votre projet ?
Toute aventure a un prix. Et si la navigation entre les choix techniques et matériels me stimule fortement, je dois aussi me pencher sur l’équilibre économique de mon projet. Si j’ai donné mon premier coup de sécateur en février 2020, je ne devrais pas commercialiser mes premières bouteilles avant juin 2021, au plus tôt. Pour équilibrer cette situation, j’avais démarré l’hiver dernier une activité de formateur pour accompagner les vignerons dans leurs pratiques. L’initiative était venue de Marceau Bourdarias, formateur en taille douce de la vigne. Marceau parcourt les vignobles depuis plus de 10 ans pour enseigner des pratiques plus respectueuses de la physiologie de la plante, avec une attention particulière sur la biologie des réserves. Il m’a proposé en 2018 de le rejoindre pour le relayer et être au plus près des vignerons, notamment sur le Val de Loire.
Un matin gelé dans la parcelle du vigneron (© R. Euvard)
C'est donc votre deuxième saison comme formateur ?
Oui, et cette activité combine de multiples avantages. Elle me permet de visiter de nouveaux vignobles et alimente ma soif de rencontres et d’échanges. Après le Muscadet, le Bordelais et le Var en fin d’année, je me suis rendu à Gaillac tout début janvier. Outre la richesse des échanges, j’ai pu revenir voir les vignes dans lesquelles j’ai travaillé pendant deux ans, et constater avec plaisir leur développement, l’harmonie de leur croissance. Au-delà des pratiques de taille, j’explore de nombreuses pratiques qui concourent à rendre la vigne plus résiliente, plus durable : couvertures végétales, applications foliaires, etc. Nourri de mes pratiques, de mes lectures et des rencontres multiples, je construis ainsi des contenus techniques que j’essaie de partager le mieux possible.
Ces formations me garantissent un revenu, ce qui me permet d’attendre patiemment la vente de mes premiers vins et m’autorisent surtout à innover dans mes pratiques, à expérimenter des techniques. Cette situation évolue sans cesse, au gré des possibilités de nouvelles parcelles, des chantiers à la vigne ou des sollicitations de formations. Elle me permet en tout cas de m’appuyer sur ces deux activités, passionnantes et complémentaires.
Propos transmis par Robin Euvrard