Parcours en muscadet – épisode 10 : L'heure des choix

Le 28/01/2021 à 17:41

JOURNAL DE BORD D'UN VIGNERON

Vitisbio suit un vigneron pendant une année. Chaque quinzaine, nous découvrons son actualité, ses enjeux techniques, ses difficultés et ses réussites !

Robin Euvrard surveille l'évolution de ses vins à la cave, et s'interroge sur des décisions stratégiques, avec une opportunité pour agrandir sa surface.

Les premières gelées sont apparues début décembre. (© R. Euvrard)

 

Comment avance la vinification ?

Novembre et décembre sont des mois plutôt calmes pour le travail de la vigne. Je ne commencerai pas le chantier de taille avant janvier prochain, et la succession des journées pluvieuses ne m’a pas poussé à me lancer dans les travaux de réhabilitation. Début décembre, nous avons eu droit aux premières gelées matinales, vrais premiers signes d’un basculement vers l’hiver. Les activités de cave sont ralenties elles-aussi. Je n’ai pas prévu de mise en bouteilles précoce, et n’ai pas encore de vin à vendre. Cela se résume en la surveillance des niveaux des cuves, ou des dégustations ponctuelles pour suivre l’évolution des vins. Les températures froides sont installées dans le chai et les vins n’évoluent presque plus. Certaines cuves sont terminées, d’autres rentrent dans l’hiver avec encore quelques grammes de sucre qui ne seront fermentés qu’au printemps. Certaines cuves sont soutirées pour une « mise au propre », une autre est sulfitée par précaution. La visite d’une amie distributrice de vin en région parisienne est aussi l’occasion de faire un tour complet de la cave. On revient sur le déroulé de l’année, les vendanges, les fermentations… Un exercice agréable et instructif, un temps de pause avant de se projeter dans la prochaine campagne. Son avis sur les vins, leurs équilibres, m’est précieux car elle les goûte avec un palet « neuf », elle me permet ce recul que j’ai parfois du mal à avoir, pris dans le rythme du quotidien. Et au pied des cuves, on se prend au jeu d’imaginer les assemblages à venir, une fois l’hiver passé.

 

Les tâches administratives sont-elles terminées ?

Pas encore ! Le 10 décembre est la date limite pour la déclaration de récolte, date à laquelle tous les producteurs professionnels doivent avoir déclaré les volumes récoltés et vinifiés cette année. On y distingue les cépages, les parcelles en appellation ou non. À compter de là, le vigneron devra déclarer tous les mois les vins dont il dispose en stock (cuve ou bouteille), ainsi que les vins vendus. Les démarches sont précises, et je passe beaucoup de temps dans la création des comptes d’utilisateur (douane, MSA, etc.), à collecter les documents des propriétaires de parcelles, des baux signés, des coordonnées bancaires… Tout un métier !

 

Et à la vigne, rien de neuf ?

Heureusement, je parviens à trouver quelques occasions pour mettre un peu le nez dehors. Je visite deux parcelles, un hectare de melon de bourgogne et 0,6 ha de cabernet. Les deux parcelles sont situées sur le coteau qui fait face aux vignes travaillées en 2020. Elles sont cette fois orientées plein Sud. Changement de sol également, on retrouve ici des amphiboles. Les parcelles devaient être libérées par l’exploitant actuel en 2022, mais pour cause de restructuration, elles sont finalement disponibles… dès cet hiver. C’était dans un coin de ma tête, réfléchir à l’évolution de mon projet, et ça passait forcément par une augmentation de la surface. Il y a autour de moi beaucoup de vignes à reprendre, ou de terrains vierges à reconvertir, et je me pose sérieusement la question de la plantation pour diversifier mon encépagement. Mais là, ça va un peu plus vite que je ne le pensais, et la situation mérite d’être considérée sérieusement. Passer de 1 ha à 2,6 ha implique une vraie réflexion en termes d’organisation de travail et de matériel.

Robin Euvrard a pu visiter des parcelles à reprendre, sur le coteau face à celles travaillées en 2020. (© R. Euvard)

 

Des investissements en matériel sont-ils prévus ?

C’est l’un de mes chantiers de l’hiver, en particulier le choix d’un matériel adapté pour la pulvérisation. Après le recours à la prestation en 2020, j’aimerais cette année être autonome pour pouvoir intervenir plus rapidement et avec plus de précision. Je garde l’idée de travailler au micro-tracteur interlignes mais je dois continuer à préciser quelques critères techniques : combien de rangs mener, quel volume porter… J’envisage ces options à titre individuel, mais les réflexions de certains voisins pourraient m’aiguiller vers une autre voie. Autour de moi, les postures agricoles changent, et l’arrêt programmé du glyphosate semble accélérer certaines initiatives. Dans ce cas, il pourrait être pertinent d’imaginer un investissement collectif, pour un pulvérisateur ou pour des outils de travail du sol. Le dossier est encore au démarrage, mais il ouvre des pistes prometteuses.

 

Propos transmis par Robin Euvrard