Château La Peyruche : pour plus de biodiversité aussi dans les sols !

Le 10/10/2024 à 11:50

Rendez-vous cette semaine avec le Château La Peyruche, à Langoiran en Gironde, médaillé d’argent en 2024 au concours « La biodiversité c’est mon domaine », organisé par Vitisbio et Millésime Bio. Charles Weisgerber, vigneron sur le domaine présente les engagements en faveur de la faune, les arbres et la flore, les espaces enherbés et la vie du sol.

Vitisbio : Pouvez-vous nous présenter le Château La Peyruche ?

Charles Weisgerber : Le domaine s’étend sur 50 hectares, dont 20 ha de vignes en Côtes de Bordeaux, situées sur les coteaux dominant la vallée de la Garonne. Nous y développons également des cultures mellifères, des prairies, des vergers et potagers. Un voisin éleveur fait pâturer une quinzaine de génisses blondes d’Aquitaine sur nos prés et un apiculteur installe sur nos terres jusqu’à 20 ruches en période de floraison. Nous avons aussi cinq moutons d’Ouessant, en semi-liberté sur le domaine, entretenant principalement les espaces enherbés non productifs.

3 agneaux d'Ouessant nés en mai 2023. Et les génisses d’un voisin éleveur sur les prairies du domaine. (© Château La Peyruche)

De quelle manière les espaces enherbés sont-ils favorisés ?

Nous semons un inter-rang sur deux en alternance tous les ans, en post-vendange. Les espèces installées changent chaque année. Pour la campagne 2023-2024, le mélange était composé de seigle, vesce, radis et deux espèces de trèfles. Au débourrement de la vigne, nous broyons et enfouissons légèrement, et nous en profitons pour appliquer des ferments lactiques. Progressivement, nous avons affiné nos méthodes culturales pour favoriser la bonne santé de nos sols. L’objectif est d’enrichir nos sols en biomasse, de rétablir l’équilibre carbone/azote, de capter plus de CO 2 , de mieux drainer les sols, de contribuer à l’essor de la biodiversité, d’offrir à nos sols une couverture végétale pour être plus résistants face aux aléas climatiques et d’offrir aux microorganismes présents dans les sols des conditions propices à leur développement. Le sol n’est jamais travaillé à plus de 15 centimètres de profondeur. Pour les tournières et les talus, nous fauchons ou broyons, ou les laissons en place, mais nous n’intervenons pas entre mars et juillet. Nos parcelles côtoient des prairies, des haies de charmes, des allées de fruitiers, des haies, des forêts.

Couverts végétaux semés tous les ans. (© Château La Peyruche)

Que visez-vous avec l’application de ferments lactiques ?

L’objectif final recherché est de rééquilibrer le ratio bactéries/champignons du sol à un pour un. Car la vigne est originellement une plante de lisière de bois, ayant besoin à la fois de lumière et de support pour croître. Or des analyses de sol de ces secteurs de lisières montreraient une proportion équivalente entre bactéries et champignons. Pourtant nos terrains actuels auraient plutôt un ratio de 10 bactéries pour un champignon. Lorsque l’on détruit les couverts végétaux, on offre aux microorganismes des sucres simples, facilement assimilables par les bactéries, qui prennent alors encore davantage le pas sur les champignons. Les ferments que nous incorporons sont des bactéries lactiques qui prédigèrent les couverts végétaux, notamment en acide lactique, qui sont des molécules plus complexes, sur lesquelles les champignons vont plus facilement, au détriment des bactéries. Nous espérons ainsi favoriser davantage les champignons.

Quelle est la place des haies et des zones arborées ?

Nous avons planté, entre 2020 et 2023, 450 arbres et arbustes : cormiers, aubépines, prunelliers, cornouillers, néfliers, arbousiers, fusains, viornes, nerpruns, érables, chênes. Et des fruitiers : poiriers, pêchers, pommiers, cerisiers, noyers, plaqueminiers, pruniers, abricotiers, cognassiers. Les arbres sont placés sur les talus ou entre deux parcelles. Notre mécanisation rendait plus difficile une implantation en intra-parcellaire. Avec le recul, nous nous rendons compte qu’autant d’arbres à la fois est vraiment très chronophage en entretien. Si nous devions le refaire, nous utiliserions un géotextile pour empêcher la pousse de l’herbe les premières années. Nous avons posé un paillage végétal, insuffisant pour contenir l’herbe. L’arrosage demande aussi beaucoup de temps. Et nous avons eu des pertes de plants, à cause des sangliers et des chevreuils.

Plantation de haies (© Château La Peyruche)

Tentez-vous de préserver d’autres habitats pour la faune ?

20 nichoirs sont installés depuis 3 ans, que nous nettoyons tous les ans. Par exemple en 2023, 7 nichoirs étaient occupés, nous avons observé un taux d’occupation multiplié par deux en un an. En outre, nous comptons chaque année les chiroptères dans les carrières de la propriété. En 2023, nous avons recensé : 25 grands murins, 3 murins de Natterer, 20 grands rhinolophes, 4 petits rhinolophes, 6 murins de Daubenton, 2 murins indéterminés, soit 60 individus.

Comptage des chiroptères. (© Château La Peyruche)

Avez-vous d’autres actions en faveur de la biodiversité ?

Nous sommes partenaires de la LPO et nous réalisons des comptages d’espèces d’oiseaux dans le domaine (voir le dernier inventaire en fin d’article). Le Château participe en outre à des programmes de recherche pour aider à diminuer les traitements phytosanitaires. Enfin, nous sommes site d’expérimentation pour Every1counts, une société qui s’est spécialisée dans la mesure de la biodiversité. Nous leur mettons nos parcelles à disposition et ils installent caméras et micros dans le vignoble, les prés et les bois. Cela enregistre le passage et les cris des oiseaux et des chiroptères. Grâce à ces observations, nous nous sommes rendu compte que les chauves-souris volant au-dessus des vignes n’étaient pas celles logeant dans les caves naturelles du domaine ! Every1counts est aussi partenaire d’un laboratoire du CNRS à Aix-en-Provence, et ensemble ils travaillent sur la biodiversité des sols. Ils mènent notamment des recherches sur une bactérie prédatrice d’autres bactéries, en tentant de voir si sa présence ou sa réintégration exerce une influence sur l’équilibre et la qualité microbienne du sol. Une vidéo, visionnable sur notre site internet, décrit tout notre engagement pour la biodiversité :

(© Tanguy Leroux)
De nombreuses espèces d’oiseaux sont présentes sur le domaine. Et les nichoirs installés sont progressivement occupés. (© Château La Peyruche)

 


Inventaire des espèces d’oiseaux présentes sur le domaine en 2023 :

Faisan de colchide, héron garde-boeufs, milan noir, buse variable, bondrée apivore, élanion blanc, faucon crécerelle, pigeon ramier, tourterelle turque, tourterelle des bois, coucou gris, chouette hulotte, chevêche d'Athéna, martinet noir, huppe fasciée, pic noir, pic vert, pic épeiche, pic épeichette, torcol, fourmilier, alouette lulu, hirondelle rustique, hirondelle de fenêtre, pipit farlouse, bergeronnette grise, accenteur mouchet, rougegorge familier, rougequeue à front blanc, rougequeue noir, traquet motteux, grive musicienne, grive draine, merle noir, fauvette des jardins, fauvette à tête noire, pouillot véloce, roitelet à triple bandeau, troglodyte mignon, gobemouche gris, gobemouche noir, mésange charbonnière, mésange bleue, mésange nonnette, mésange à longue queue, sittelle torchepot, grimpereau des jardins, pie bavarde, geai des chênes, corneille noire, étourneau sansonnet, loriot d'Europe, moineau domestique, pinson des arbres, chardonneret élégant, verdier d'Europe, serin cini, bruant zizi. Des lièvres, sangliers, chevreuils, hérissons, blaireaux et serpents ont également été identifiés.

 

Propos recueillis par Frédérique Rose