Vinitech- Sifel :
Faire le point sur les enjeux de la bio

Le 11/04/2023 à 11:59

Une 23e édition bien remplie pour Vinitech-Sifel, avec près de 42 000 visiteurs. Alternatives au cuivre, vins sans sulfites ajoutés, empreinte carbone du désherbage mécanique, etc. : les vignerons bio arpentant les longues allées du salon peuvent trouver leur compte parmi les 70 conférences organisées. L'économie du vin bio est l'un de ces temps forts

 

« En 2021, près de 160 000 ha de vignes sont conduits en bio, pour 11 335 vignerons, et représentant 20 % du vignoble national, rappelle Anne Hubert, des Vignerons bio Nouvelle-Aquitaine. Nous sommes dans un pic de conversion, comme celui que nous avons connu de 2009 à 2012. » En Nouvelle-Aquitaine, la tendance est similaire. En 2021, les surfaces en conversion représentent 56 % des 32 528 ha conduits en bio. « Nous sommes à 14 % de surfaces du vignoble de la région. En Gironde, les surfaces bio sont de 21 %. La différence vient du Bassin cognaçais, où la part de bio est très faible, rajoute la chargée de mission. A contrario, nous notons que 60 % des vignes de l'appellation d'Irouléguy sont engagés en bio. Comme quoi, ce mode de production est possible, même sur les secteurs compliqués en termes de climat et topographie. »

Se projeter sur les volumes à venir

Sur les 1 947 vignerons engagés en bio en 2021 en Nouvelle-Aquitaine, il est estimé que 78 % sont indépendants et 22 % coopérateurs. « D’ailleurs, 26 caves coopératives sont engagée en bio en Nouvelle-Aquitaine, soit plus de 50 %. Et au niveau des surfaces conduites en bio, on estime à 20 % la part de la coopération. » En lien avec les interprofessions de la région, Vignerons bio Nouvelle-Aquitaine tente de se projeter sur les volumes de vins bio rentrant sur le marché. « En 2022, sur le vignoble de Bordeaux, 2 500 ha supplémentaires – pour 126 opérateurs – seront certifiés. Ce sont principalement des domaines entre 10 et 20 ha, détaille Anne Hubert.
Les AOC les plus concernées sont Bordeaux rouge, Bordeaux supérieur, Blaye Côtes de Bordeaux. » Sur Bergerac Duras, le profil est quasiment identique : 1 000 ha supplémentaires, vignobles entre 10 et 20 ha, puis entre 5 et 10 ha, pour les AOC Bergerac rouge, blanc, rosé et Monbazillac. « Nous estimons que ce sont des viticulteurs ayant déjà des circuits de distribution organisés, faisant majoritairement de la bouteille. Nous pouvons supposer que ces volumes ne seront pas sans destination ni acheteurs potentiels. » Anne Hubert insiste sur l’importance de tels outils de pilotage pour aider à la projection du marché. « Or cela prend du temps de les construire, pourtant la production augmente rapidement. Nous ne sommes pas sur les mêmes pas de temps. »

 

De nombreuses conférences touchent les points clés de la filière. Pour la bio : règlementation, économie, alternatives au cuivre, désherbage mécanique, etc. (crédit photo F.Rose)

Un marché tendu ?

Jusque-là, la demande progresse chaque année, mais effectivement l’expression d’une crainte du renversement de tendance entre offre et demande est sur de nombreuses lèvres. « Le marché est plus tendu sur le vrac. Certains vignerons bio ne trouvent pas d’acheteurs en face, témoigne un vigneron participant à la conférence.Cela change la donne, pour ceux qui avaient l’habitude de garder une partie de leur production en vrac pour assurer un peu de trésorerie. » Un autre renchérit : « nous sommes sortis de notre zone de confort. Les vignerons doivent prendre conscience qu’ils doivent professionnaliser leur commercialisation : se former à la vente, aux marchés, à la construction du prix, à la réalisation et l’optimisation d’un site internet afin qu’il soit visité et efficace. » En effet, les intervenants de la conférence martèlent l’importance de travailler avec autant de soin les 3 V : la vigne, le vin et la vente.

 

Anticiper pendant les années de conversion

Pour Anne Hubert, les volumes liés aux surfaces en conversion ne sont pas encore sur le marché. « Nous avons trois ans pour prévoir et anticiper afin d’éviter de se retrouver sans marchés construits. Oui, il va y avoir de la concurrence et plus de volumes à écouler. Donc ça se prépare. Le vigneron en conversion, doit prévoir ses marchés et ses stratégies, et de préférence son autonomie commerciale. » Le syndicat est d’ailleurs en relation avec différents négociants pour voir avec eux comment ils peuvent se saisir de ce nouveau segment. « Il faut vraiment réussir à considérer ces nouveaux volumes comme une opportunité, et se donner les moyens pour construire
de nouveaux circuits. » Étienne Laveau, conseiller bio à la chambre d’agriculture de Gironde, continue de croire en l’avenir de la viticulture bio. « C’est un basculement de la consommation, on achète moins de conventionnel et on le reporte sur le bio, il y a toujours de la demande, perçoit-il. Et la viticulture en général est très impliquée dans les évolutions environnementales. La bio reste un moyen d’évoluer dans ce sens, tout en essayant de mieux valoriser son vin. »

 

Enjeux de taille

Étienne Laveau relate que 90 % des futurs convertis qu'il a rencontrés récemment étaient déjà HVE. « Mais comme cela ne va pas assez loin pour eux, ils basculent vers la bio. Ce mode de production, restera une évolution technique et un moyen pour continuer à vendre. Peut-être pas aussi bien qu'avant, mais je pense que l'on continuera de passer devant les autres en étant en bio. » Pour d'autres participants de la conférence, l'enjeu est réellement de rester dans une démarche durable et ne pas subir le même sort que la filière conventionnelle. « Et le consommateur doit rester dans un acte d'achat cohérent. Acheter du vin, au prix de sodas, ce n'est pas cohérent. » Il est rappelé aussi que la vente directe, circuit de distribution majoritaire des vins bio, protège encore des problèmes de commercialisation. Le risque vient dès que l'on rentre dans les procédés industriels. « Mais l'on ne pourra pas tout vendre en direct. Sans oublier les contraintes que cela engendre, notamment sur la disponibilité du vigneron. » Satisfaire tous les marchés, un enjeu de taille pour la filière bio.

 

Frédérique Rose

 

Article paru dans Vitisbio 18. Janv-Mars 23.