Changement de présidence pour les Vignerons bio Nouvelle-Aquitaine : Pascal Boissonneau succède à Pierre-Henri Cosyns. L’association profite de cette nouvelle nomination pour rappeler des points majeurs pour la filière vin bio : faire en sorte, entre autres, que l’autonomie commerciale des vignerons bio soit une priorité. Interview.
Vitisbio : Pouvez-vous présenter votre domaine, Vignobles Boissonneau ?
Pascal Boissonneau : Je suis vigneron avec mon frère Nicolas, à Saint-Michel de Lapujade, au sud de la Gironde, en limite avec le Lot-et-Garonne. Nous sommes la sixième génération de ce domaine familial de 53 hectares, 100 % bio depuis 2011. Une partie des vignes est en Côtes du Marmandais et l’autre en Entre-Deux-Mers. Nous cultivons 11 cépages et produisons une quinzaine de cuvées en rouge, blanc et rosé, avec environ 200 à 220 000 bouteilles par an. Niveau commercialisation, nous avons fait le choix de nous spécialiser sur l’export. 90 % de notre vin est vendu directement à des importateurs : d’abord en Allemagne et Belgique, mais aussi aux États-Unis, Japon, Chine, Nouvelle-Zélande, Inde. L’export est dépendant des contraintes géopolitiques et nous tentons d’être présents dans une diversité de pays. Le reste des ventes s’effectue via des cavistes, et la vente directe. Il serait intéressant de diversifier notre réseau de distribution notamment en France, mais nous ne sommes pas une très grosse structure, et nous ne pouvons pas être partout ! Donc nous faisons des choix. J’ai adhéré à Vignerons Bio Nouvelle-Aquitaine dès que nos vins sont passés en bio, puis je suis devenu membre du conseil d’administration. J’étais vice-président depuis cinq ans. Je représente aussi le syndicat au sein d’Interbio Nouvelle-Aquitaine où je suis également président de la commission viticole.
Quelle est la dynamique de la filière vin bio de la région ?
L’annonce de ce changement de présidence est l’occasion pour nous de faire le point : nous entendons beaucoup à droite à gauche que de nombreux vignerons bio se déconvertissent. Mais attention, nous n’avons pas encore les derniers chiffres consolidés de 2023. Avec les informations que nous avons déjà, nous remarquons que les déconversions restent stables par rapport aux années précédentes. Mais elles se remarquent plus car, le nombre de conversions ayant beaucoup diminué en 2023, le prorata est plus important. Donc nous invitons à rester prudents avant de diffuser des messages alarmistes. Et nous rappelons aussi que parmi ceux qui arrêtent la bio, on compte aussi les personnes qui cessent leur activité pour cause de retraite ou changement professionnel. En tous les cas, aucun adhérent de Vignerons bio Nouvelle-Aquitaine ne s’est déconverti. Nous avons pu néanmoins remarquer que des vignerons arrêtant la bio pour retourner en conventionnel étaient souvent des vignerons récemment certifiés, et avec un profil de commercialisation en vrac, qui n’avaient pas réellement de commercialisation déjà établie, même en conventionnel. Ces derniers sont peut-être passés en bio, mais pas pour des raisons suffisantes, si elles n’étaient qu’économiques. C’est aussi pour cela que nous voulions insister sur l’importance de l’autonomie commerciale des vignerons.
Comment définissez-vous l’autonomie commerciale ?
C’est le fait de développer et contrôler soi-même ses réseaux commerciaux et sa distribution. Chaque vigneron doit décider lui-même de l’orientation qu’il veut donner à ses ventes : quel temps j’y consacre, en ai-je les compétences ? Est-ce que je maîtrise les langues étrangères ? Est-ce que je me lance dans du BtoC, avec des circuits courts et ventes au domaine, sur foire et salon ? Ou du BtoB avec des revendeurs, grossistes, export… Le vigneron doit ensuite gérer lui-même sa commercialisation. Lorsqu’un vigneron confie cette dernière à un tiers, il prend le risque de voir partir son vin sans savoir dans quel pays il va, ni dans quel réseau de distribution il est destiné et à quel prix il est vendu. Il peut ainsi, s’il veut commencer à développer sa commercialisation lui-même, se retrouver en concurrence avec son propre vin. D’où l’importance de maîtriser toute sa distribution.
Comment abordez-vous cette thématique avec vos adhérents ?
Nous prônons cela auprès de nos adhérents et avons développé divers outils depuis plusieurs années pour les accompagner : comme des expertises sur les coûts de revient en fonction de divers scénarios de production. Cela aide les vignerons à se positionner, et à être guidés dans leur choix. Nous avons également des mémentos sur comment calculer son prix de vente en fonction de différents réseaux de commercialisation, mentionnant aussi les cohérences entre les différents prix de vente selon les réseaux. Nous continuons aussi à organiser différents évènements pour promouvoir les vins bio auprès des consommateurs et des professionnels : les Barriquades, un espace à Wine Paris, BtoBio Bordeaux, etc. Tout cela pour aider à être fort dans sa commercialisation, car on peut être le meilleur technicien de la terre, mais si on ne sait pas vendre son vin, on devient très vulnérable. Et le marché des vins se tend pour tout le monde. Il faut travailler beaucoup commercialement pour réussir à sortir ses vins. Mais en étant à la tête des ventes, on voit mieux les opportunités.
Quels autres dossiers reprenez-vous ?
Nous continuons évidemment à développer notre expertise technique en viti et en oeno, avec de nombreux projets de recherche. Nous sommes bien sûr toujours en alerte sur le dossier cuivre, que nous suivons de près. Car rien n’est acquis ! Et le service économique reste en veille sur les tendances et le marché des vins bio.
Propos recueillis par Frédérique Rose.
Pierre-Henri Cosyns
Retour sur deux ans de mandat
Pierre-Henri Cosyns, vigneron à Teuillac en Gironde, revient sur ses deux années de présidence à Vignerons bio Nouvelle-Aquitaine. « C’est très positif. Ces deux années correspondent aussi à une période de grande croissance des surfaces viticoles bio, notamment en Gironde et à Bergerac, atteignant respectivement 25 et 30 % des surfaces, décrit-il. Nous avons multiplié nos partenariats scientifiques et de recherche, nous avons rapatrié notre stand sur l’espace Nouvelle-Aquitaine à Wine Paris. » Le vigneron se réjouit aussi d’avoir maintenu le nombre d’adhérents de l’association. « Et l’équipe salariée a été consolidée avec un poste sur le conseil œnologique et un autre sur la communication. Ce sont des signaux positifs pour une association. » S’il doit avoir un regret, Pierre-Henri Cosyns évoque le fait de ne pas avoir réussi à trouver des débouchés valorisés pour les vignerons vraqueurs. « Pourtant ce n’est pas faute d’avoir été force de propositions auprès des négociants et, in fine, de la grande distribution, mais rien n’a pu aboutir. » Mais il évoque un grand point fort : avoir réussi à intégrer, avec Interbio Nouvelle-Aquitaine, la campagne promotionnelle du conseil interprofessionnel des vins de Bordeaux : « Ensemble, tous singuliers », dévoilée lors du salon Wine Paris le 12 février 2024. « C’est une première en France ! Qu’une interprofession viticole accepte de communiquer spécifiquement sur les vins bio. C’est un vrai pas en avant ».