Lutte contre le mildiou : des préconisations avant le début de la saison

Le 27/03/2025 à 14:09

Quel avenir pour la lutte contre le mildiou en bio ? Préconisations, astuces, échanges de pratiques efficaces… Une table ronde lors des Journées Techniques Vigne et Vin bio redonne des clés fondamentales avant de débuter la saison. Si les conditions climatiques vont de plus en plus favoriser le pathogène, la qualité de pulvérisation, le choix de matériel adéquat, la prophylaxie, les doses de cuivre adaptées restent la priorité.

D’abord, est-ce que le mildiou est devenu plus virulent qu’avant ? Pour Eric Maille, conseiller viticole à Agrobio Périgord, il faut surtout se rappeler que le mildiou, outre son mode de reproduction asexué, a aussi un cycle sexué. « Ce qui induit une très grande variabilité génétique. Il n’y a donc pas un mildiou, mais plusieurs. Et ce n’est pas le même qui agit tout au long de l’année. Le mildiou ne mute pas, seuls les virus le font. » Stéphane Becquet, directeur des vignerons bio Nouvelle-Aquitaine, estime, lui, que si les pressions sont plus intenses, c’est aussi parce que les conditions climatiques des dernières années sont plus favorables à son développement. « Lorsque l’on a 25°C à 6 heures du matin au mois de mai, avec 200 mm de pluie tombés dans la semaine, oui, on se trouve dans un contexte favorable au pathogène. » Le directeur du syndicat ajoute, qu’au-delà du mildiou, la période de la fleur reste un moment très tendu lors de conditions météo compliquées : « Car se rajoutent, la coulure, le millerandage… »

Chute des capuchons floraux : moment critique

Les conseillers rappellent d’ailleurs que le moment vraiment critique, est même avant la fleur : « lors de la chute des capuchons floraux, lorsque la baie néoformée est exposée, indique Eric Maille. S’il n’y a pas réintervention pour un traitement, elle n’est pas couverte. » Oui, sauf que tous les capuchons ne tombent pas en même temps, rappelle François-Thomas Bon, viticulteur bio à Saint-Émilion et en Castillon Côtes de Bordeaux. « Donc il vaut mieux mettre peu de cuivre, mais régulièrement sur la fleur, au fur et à mesure que les capuchons tombent. C’est la première bataille gagnée. » Le vigneron partage ce qu’il a expérimenté avec des voisins : « nous avons commencé à lever la vigne très tôt, bien avant la période où cela se pratique d’habitude : nous avons remonté les feuilles afin que les grappes soient aérées et exposées, et donc plus à même de recevoir le traitement. » François-Thomas Bon est conscient que cela rajoute des passages pour le relevage de la vigne. « Ce sont des choix d’entreprises. Cela peut être très payant au moment des vendanges. » Eric Maille pointe néanmoins les réelles difficultés financières qui font que les professionnels ne peuvent employer assez de main-d’œuvre pour réaliser ces tâches de prophylaxie, comme l’effeuillage et la suppression des entre-cœurs.

Atelier sur la qualité de pulvérisation aux Journées Techniques Vigne et Vin bio, un fondamental. (© Journées Techniques Vigne et Vin bio)

Sols chauds et humides : mauvais combo

Le conseiller viticole de Dordogne rappelle aussi que la température et l’humidité du sol sont deux facteurs clés dans le développement du mildiou. « À cause de l’hiver relativement doux cette année, les sols sont encore chauds et ils sont aussi très humides. Attention, s’il se met à pleuvoir au printemps, les conditions vont être propices à un développement rapide du pathogène, il faudra observer et anticiper. » Et l’augmentation des températures, globalement, aura des incidences sur la pousse rapide de la vigne, sur des sorties plus précoces… « Il faudra maintenant s’adapter à chaque millésime », prévient Stéphane Becquet. « En 2024, nous avons eu des taux d’humidité importants, sans forcément avoir des précipitations élevées au printemps, affirme François-Thomas Bon. Or on pense généralement qu’il faut 5-6 mm d’eau pour que le mildiou soit actif, mais là nous avons des doutes. »

Premières doses de cuivre : ne pas les sous-estimer

Pour les doses de cuivre à utiliser, Eric Maille rappelle évidemment que cela dépend des vignobles et des vignerons. Cependant, en général, il a tendance à préconiser 200-250 g minimum en début de saison. « Car comme il y a peu de feuilles, une partie du produit pulvérisé passe à côté. Avec une dose plus élevée, on s’assure que les feuilles reçoivent le traitement. Mais si le pulvérisateur a des panneaux récupérateurs, on peut descendre à 60-80 g. » Pour le conseiller, l’idée est d’éviter que le mildiou s’installe. « Ce qui implique souvent en début de saison de passer plusieurs fois par semaine. C’est usant mais cela peut payer ensuite, car on peut diminuer voire arrêter les traitements ». Pour le vigneron, tant que la vigne est saine, la rosée n’a pas de rôle dans la dynamique du mildiou . « Mais si ce dernier est déjà dans la vigne et qu’il passe sur son cycle asexué, la rosée est largement suffisante pour que les spores se développent et déclenchent de nouveaux symptômes. Alors que cette même rosée n’est pas suffisante a priori pour activer les ions cuivre. »

Choix du matériel de pulvérisation ad hoc

Une qualité de pulvérisation optimale est un préalable, martèlent tous les intervenants. « C’est vraiment la priorité. » Pour Eric maille, si les vignerons préféraient, avant, investir dans du matériel pouvant traiter beaucoup d’hectares sans avoir à recharger, ils réfléchissent dorénavant parfois à des outils, de petite capacité. « Et plus adaptés pour aller traiter quand on a seulement un créneau de 2 heures, pour privilégier des parcelles plus sensibles, ou plus valorisables. » Du matériel adaptable sur quad, est aussi plébiscité, avec l’avantage de la portance et du moindre traumatisme pour l’agronomie des sols. « Le quad a sauvé mes récoltes plusieurs fois, témoigne François-Thomas Bon. Nous avons décidé d’investir dans du matériel moins onéreux, en finançant un ensemble pour moins de 10 000 €, avec un pulvé de 300 L, grâce auquel je peux traiter 2 hectares. » Être autonome dans les réglages des pulvérisateurs est un autre point soulevé. « Et pleins de solutions existent pour pouvoir l’être, notamment en travaillant en groupe. Et il faut se prendre en main sur cette question. Globalement, attention à ne pas s’isoler dans son autonomie financière, ses compétences. Nous avançons plus loin à plusieurs en partageant des informations. »

 

Frédérique Rose