Deux priorités pour Cryptoblabes gnidiella : mieux connaître le ravageur et savoir quand intervenir

Le 11/03/2025 à 9:15
Le webinaire sur les ravageurs émergents organisé par l’IFV et l’Itab en janvier s’intéresse aussi à Cryptoblabes gnidiella. L’insecte, connu depuis plusieurs années, demeure préoccupant et colonise peu à peu les vignobles en remontant du Sud. Des projets de recherche sont en cours pour améliorer les connaissances sur sa biologie et optimiser les méthodes de lutte. Appelée aussi pyrale du Daphné ou pyrale des agrumes, Cryptoblabes gnidiella fait de plus en plus parler d’elle dans les vignobles du sud de la France. Ce lépidoptère originaire du bassin méditerranéen est une espèce polyphage, avec environ 80 plantes hôtes, dont la vigne. « Les premiers dégâts significatifs dans le vignoble français sont apparus en 1999, dans la zone littorale du Gard, détaille Nicolas Constant de l’IFV. Et depuis une quinzaine d’années, l’aire géographique de sa présence s’étend régulièrement. » Le projet Cryptovigne (voir plus bas) apporte des informations sur la répartition du ravageur : en 2021, des populations stables sont réparties sur le bassin méditerranéen, du sud du Portugal à l’ouest de la Grèce, en passant par l’Espagne, la France et l’Italie. En 2024, en France, une enquête menée au sein du projet, montre que les dégâts observés par les vignerons s’étendent dans le Roussillon, l’Aude, l’Hérault, le Var, et vont jusqu’au nord du Vaucluse en remontant le Rhône. « On commence à s’éloigner de la Méditerranée, déjà jusqu’à 100 km au-delà. »
Forme adulte du ravageur. (© CBGP)

Besoin d’approfondir les connaissances

« Nous avons encore beaucoup de lacunes dans notre connaissance de l’insecte », reconnaît Nicolas Constant. Ainsi, difficile encore de savoir réellement quelle est la dynamique d’installation du ravageur en début de saison. Et ce, surtout entre mai et juillet, période où on peine à savoir où se trouvent les populations. « Si le ravageur peut être repéré en avril, on ne le remarque plus jusqu’à ce qu’il y ait une explosion potentielle lors de la fermeture de grappe en juillet, avec une intensification pendant la phase de maturation du raisin et jusqu’aux vendanges. » Les éventuels prédateurs et parasites de l’insecte sont encore également à déterminer. « Et nous devons améliorer nos connaissances sur les facteurs favorables à son développement. » Présence de cochenilles, raisins oïdés, compaction des grappes, sensibilité variétale, sont des hypothèses. Enfin, trouver le positionnement optimal de la protection insecticide est un autre point clé.

Deux projets de recherche dédiés

Cryptovigne, commencé en 2024 et prévu jusqu’en 2028, est porté par l’IFV, avec comme partenaires l’Inrae, des chambres d’agriculture, le Ctifl, le Grab, Interbio Corse et le Biocivam 11. « L’enjeu est d’améliorer les connaissances sur la biologie et le cycle de développement du ravageur, et de fiabiliser son identification. » Définir la zone de présence actuelle de cryptoblabes et modéliser sa propagation à moyen terme dans les vignobles français est un autre objectif. « Cryptovigne souhaite aussi proposer des stratégies de lutte intégrée pour maîtriser le ravageur. Et ce, via une prise en compte des facteurs favorisant sa présence, l’évaluation du contrôle de la faune auxiliaire sur le ravageur et l’intégration de produits de biocontrôle dans les stratégies de lutte. » Autre projet prévu de 2025 à 2027 par l’IFV, l’Inrae, la chambre d’agriculture du Gard et le Sral Paca, Crypto 1.0 veut créer un modèle épidémiologique. L’idée est d’envisager la dynamique de Cryptoblabes gnidiella au vignoble tout au long de l’année et d’estimer la pression parasitaire du millésime. « Avec l’envie de proposer à terme un outil aidant les vignerons à optimiser le positionnement des insecticides ou des produits de biocontrôle. »
Des projets de recherches vont aider à mieux connaître la biologie de l’insecte. (© Chambre d’agriculture de l’Aude)

Divers moyens d’action

Plusieurs produits sont autorisés en bio pour lutter contre le ravageur : Bacillus thuringiensis (Bt), spinosad, trichogrammes, et confusion sexuelle. « D’après notre enquête, le spinosad est utilisé par environ 60 % des vignerons. 20 % alternent spinosad et Bt, 10 % appliquent uniquement du Bt. » Souvent les vignerons effectuent entre 1 et 6 traitements. Un faible pourcentage choisit les trichogrammes, en alternance ou non avec Bt et/ou spinosad. « Seuls 1 % des enquêtés mettent en place la confusion sexuelle. Cette dernière est réputée moins efficace que celle pour les tordeuses, à cause de la volatilité des phéromones. » Autre piste évoquée : le ramassage des grappes résiduelles dans lesquelles les larves passent l’hiver. « On peut en effet trouver un très grand nombre de larves dans ces grappes. Réussir à les enlever pourrait être une mesure prophylactique intéressante. Mais cet effet n’a a priori pas été mesuré. »
Si des moyens de lutte contre le ravageur existent, ils doivent être optimisés. (© Chambre d’agriculture de l’Aude)

Une protection encore insatisfaisante

Les résultats de l’enquête du projet Cryptovigne montrent qu’en 2023, 57 % de vignerons du pourtour méditerranéen interrogés ne sont pas satisfaits du niveau d’efficacité de la lutte contre le ravageur. « Et ce chiffre passe à 65 % en 2024 » , rajoute Nicolas Constant. Les vignerons s’interrogent sur les indicateurs à utiliser pour déclencher les traitements au bon moment : le plus souvent cela s’effectue grâce au piégeage des adultes, avec des traitements déclenchés vers fin juin-début juillet, ou plus tard, lorsqu’un pic de vol d’adultes est observé. Ces observations sont parfois couplées au stade phénologique de fermeture de la grappe. « Mais est-ce la meilleure stratégie ? Les vignerons se demandent aussi si le volume de bouillie influence l’efficacité des insecticides. » Combien de traitements réaliser et quelle combinaison de solutions adopter – confusion sexuelle, lutte biologique et lutte insecticide –, sont d’autres questions. De quoi s’occuper donc.   Frédérique Rose  

Cycle de Cryptoblabes gnidiella

  • Œufs de 0,7 x 0,4 mm, pondus sur les rafles et les pédoncules, très difficiles à voir.
  • Cinq stades larvaires de 1 à 12 mm. L’apparition de deux bandes brunes sur les stades larvaires âgés est caractéristique.
  • Chrysalide de 7-8 mm.
  • Adultes : 11-12 mm avec tête et thorax brun-grisâtres et l’abdomen brillant, blanc grisâtre. Les ailes antérieures sont brun grisâtre et les postérieures blanc brillant, veinées de tâches brun grisâtre.
  • L’insecte n’effectue pas de diapause et passe l’hiver dans les grappes à différents stades (larves et chrysalides).
  • La durée du cycle est de 5 semaines à 5 mois selon les températures.
  • Quatre périodes de vol, dont les deux principaux sont en fin de saison.