Bilan et stockage du carbone :
des vignerons et vigneronnes bio du Beaujolais
créent des références

Le 11/04/2023 à 12:00

Dans le Beaujolais, un groupe Dephy, composé de 11 vignerons bio et d'un lycée agricole, travaille sur l'analyse des bilans carbone des domaines et le stockage de carbone dans les sols. Des résultats attendus pour alimenter le débat sur l'empreinte écologique des bio.

 

«Au départ, ce sont cinq vignerons bio du secteur du Beaujolais qui étaient en demande de création de références sur les systèmes bio de la région », décrit Brieg Clodoré, chargé de mission viticulture à Agribio Rhône et Loire. En effet, le Beaujolais est un terroir très attractif pour les néo-vignerons : le foncier est plus accessible, l'état d'esprit est sympathique. « Mais ces derniers peuvent rencontrer des difficultés lors de leur installation, notamment à cause de la topographie rendant le désherbage mécanique difficile. »

 

L’opportunité du groupe Dephy

Chemin faisant, un groupe de vignerons se mobilise et sollicite Agribio Rhône et Loire. La mise en place d'un groupe Dephy se présente, offrant la possibilité de travailler sur plusieurs thématiques : les alternatives au cuivre et au soufre, dynamiser la vie des sols et produire des réfé- rences pour la viticulture bio en Beaujolais. 11 vignerons en bio ou en conversion et le lycée agricole de Bel Air à Belleville-en-Beaujolais y participent. « Le groupe est très diversifié, avec des vignerons bien mécanisés ­ robots, machines à vendanger ­ ou d'autres pratiquement 100 % en traction animale. C'est très intéressant pour l'analyse de différents systèmes. Et le lycée agricole a plus de facilités pour obtenir des démonstrations de matériels, c'est bénéfique pour le groupe. »

 

Évaluer le taux de carbone dans les sols

Afin d’évaluer l’impact des pratiques sur le stockage de carbone, le groupe Dephy viti bio évalue différentes stratégies de gestion du sol : engrais verts, paillage, mais aussi vitipastoralisme, désherbage mécanique, etc. (crédit photo Agribio Rhône et Loire)

Dans ce cadre, le groupe prévoit de suivre l'évolution de la teneur en carbone dans les sols, à T0 (2022) et T+ 5 ans (fin 2026). Et ce, selon différentes techniques culturales : désherbage mécanique total (rang et inter-rang), travail du rang et couverts végétaux dans l'inter-rang, semés, puis broyés ou roulés, ajout de BRF en plein, vitipastoralisme, enherbement total et permanent, apport de fumier composté (avec les préparations biodynamiques) tous les ans. « Nous espérons tirer des enseignements sur les plus-values en matière de stockage de carbone, en fonction des itinéraires techniques. Même si nous savons que les évolutions de la matière organique dans les sols se réalisent sur des temps très longs, surtout dans nos secteurs fortement soumis à l'érosion, explique le conseiller. Nous travaillons en partenariat avec Celesta Lab, et nous nous intéresserons aussi à d'autres données telles que la stimulation de la vie microbienne des sols. » Ces analyses favoriseront également un meilleur positionnement des engrais organiques pour éviter les lessivages en début de saison et les pertes par volatilisation de l'azote.

 

Bilans carbone des domaines

En parallèle, des bilans carbone seront réalisés sur chacun des domaines, alimentés par ces résultats liés au stockage de l'élément. « Nous utiliserons l'outil Ges&Vit de l'IFV. Nous apprécions le fait qu'il se base sur les analyses de cycle de vie. C'est intéressant de se pencher sur ce que cela a coûté de construire un tracteur ou de faire naître un cheval ! » Le conseiller perçoit néanmoins les limites de l'outil : « il ne prend pas en compte le type de valorisation - bouteille ou négoce et les coûts liés à la commercialisation. Or c'est là qu'il y a le plus d'impact en viticulture ». L'agriculture bio est montrée du doigt concernant l'emploi de GNR. Le groupe espère ainsi avoir des références décrivant le bilan carbone global des domaines bio et évaluant objectivement leur empreinte énergétique. « Nous manquons de références sur ce point. Bonne nouvelle, les groupements de producteurs bio du Jura, de la Bourgogne, et du Grand Est envisagent également de telles évaluations ». Tout comme les chambres d'agriculture via leurs groupes Dephy. « De quoi avoir des billes dans quelque temps pour évoquer l'impact des bio sur l'environnement ! »

 

Frédérique Rose

 

Article paru dans Vitisbio 18. Janv-Mars 23.

 


Le BRF, pourquoi pas ?

Agribio Rhône et Loire accompagne aussi un groupe de 18 vignerons (dont 4 participent au groupe Dephy), qui s'est rapproché de la déchetterie locale cherchant à valoriser ses produits. Via une commande groupée, 1 360 tonnes de BRF, ont été distribuées sur les domaines. « On nous pose souvent la question liée au risque de faim d'azote, indique Brieg Clodoré. Nous évaluerons aussi cela dans le projet grâce à un N-Testeur. Le BRF n'est pas du bois plaquette, mais du bois raméal frais et fragmenté. Il contient peu de lignine et beaucoup de cellulose, très vite consommée. Des références de Ver de terre Production montrent que même si la faim d'azote apparaît rapidement, elle disparaît vite au profit de changements bénéfiques pour les sols. Nous verrons ainsi comment la vigne va réagir ! »

Les vignerons étaleront l’équivalent de 60 t/ha – soit 3 cm d’épaisseur – en plein ou sous le rang. Ici application en vigne large. (Crédit photo Agribio Rhône et Loire)