Parcours dans les Corbières épisode 3 : Nouvelles plantations, l’agroforesterie comme une évidence

Le 11/05/2023 à 10:43

En reprenant le domaine de Roquenégade, Alexis Gaudin et Émilie Gal savent qu’ils doivent en restructurer une partie. Outre le choix des cépages et des conduites adéquats, ils envisagent aussi l’installation de haies entre les rangs de vigne. Et ce, dès la plantation.

 

Un vignoble à restructurer

À l'automne 2019, soit un an avant l'achat, nous avons fait notre première visite du domaine. Pendant toute l'année 2020, nous y retournons régulièrement pour comprendre les lieux, voir comment se comportent les vignes, etc. À notre installation, nous avions une idée déjà assez précise du chantier de restructuration qui s'annonçait. Sur les 12 hectares en production, une bonne partie était à reprendre. Le schéma est relativement simple. Pour être à l'équilibre financièrement, nous devons arriver à une production moyenne de 25 hectolitres par hectare. Nous décidons donc d'arracher et de replanter les vignes ayant un rendement trop faible dû aux manquants. Trois hectares de syrah sont alors arrachés en 2021. Et dans les deux années à venir deux hectares de cabernet sauvignon et un de merlot le seront aussi. Bien que ces derniers produisent encore correctement pour le domaine (18 hL/ha en moyenne sur les dernières années), nous constatons que ces cépages peinent à atteindre un bon équilibre à la vendange. Avec ce nouveau portefeuille de six hectares, nous planifions notre replantation sur les cinq premières années d'installation.

 


Des cépages adéquats

La première parcelle plantée fournira les raisins pour notre entrée de gamme en rouge et rosé. Nous avons opté pour 1,8 ha de cinsault et de marselan sur SO4. Installées sur des terres profondes, ces combinaisons devraient être relativement productives. L'objectif étant d'atteindre 50 hectolitres par hectare en moyenne. Nous serons en enherbement permanent avec ces cépages, ce qui devrait limiter le rendement pour rester sur une production qualitative. La deuxième plantation, de 0,5 ha, est réalisée avec le même objectif mais cette fois-ci, pour le blanc, avec du vermentino (rolle) sur du 1103 Paulsen. Nous recherchons aussi à diversifier la palette aromatique de nos blancs en ramenant un peu de fraîcheur aux grenaches et roussannes déjà présents. Ces trois nouvelles plantations ont pour atout d'être réputées résistantes aux conditions climatiques de notre région (sécheresse). Cela a été un des axes de réflexion pour valider nos choix. Nous plantons pour nos 30 années à venir, il ne faut pas trop se tromper.

Préparation des plantations.

Et des conduites adaptées

Trois autres hectares seront plantés sur 2024 et 2025. Cette fois-ci, trois parcelles en coteaux et en appellation sont choisies pour produire un vin plus qualitatif qui entrera dans notre milieu gamme. Entre le réchauffement climatique, les périodes de sécheresse, les terres moins profondes et notre volonté de maintenir l'enherbement, il nous faut des cépages plus rustiques et ne montant pas trop en degré d'alcool pour pouvoir s'y implanter. Notre choix se tourne donc vers deux cépages anciens du Languedoc, le terret noir et le piquepoule noir, et un cépage espagnol, le lledoner pelut. Tous ont un port érigé. Ils seront conduits en gobelet afin de limiter les coûts de palissage et parce qu'il nous semble que c’est le port le plus résilient face au climat à venir du fait notamment de l'ombrage qu'il apporte.

 


L’agroforesterie pour accompagner la vigne

En parallèle du choix des cépages et porte-greffes, nous misons sur l'agroforesterie pour le développement du domaine. N'étant pas trop limités par l'espace, nous avons décidé d'intégrer l'arbre au sein de chacune des parcelles nouvellement plantées. Le cinsault et le marselan ont été divisés en 8 parcelles d'environ 2 500 m². Pour ce faire, nous avons implanté des haies tous les 12 rangs de vignes. Une trentaine d’espèces locales d'arbres et de buissons mellifères, donc bien adaptées au climat méditerranéen, sont présentes dans ces haies. L'espacement entre chacune d’entre elles est d'environ 35 m : soit la distance idéale pour favoriser les chauves-souris et leur rôle dans la prédation des nuisibles. Une seule chauve-souris est capable de manger jusqu'à 3 000 insectes en une seule nuit.

Des haies, tous les 12 rangs de vigne, sont installées lors des nouvelles plantations.

À relire dans Vitisbio 10 : « Domaine d’Eriane – Clodéric Prade – la recherche de la résilience par l’agroforesterie. »

 


Riche collaboration

Les haies sont plantées perpendiculairement au vent dominant (nord-sud, ce qui convient bien à la vigne aussi), afin de limiter son effet, pouvant être très fort parfois dans nos régions. Les zones d’ombre sous les haies créent des endroits frais et donc des microclimats intéressants. Le fait de planter arbres et vignes en même temps favorise une meilleure adaptation racinaire de l'ensemble. Nous pensons que le réseau mycorhizien qui devrait se développer au fil des années est une des clés de l'adaptation au changement climatique et de l'augmentation de la biomasse des sols. Nous sommes suivis par Arbres et Paysages 11 pour l'ensemble des dossiers de plantations. Ils nous aident dans le choix des plants (selon nos contraintes et celles de la vigne) jusqu’au dossier de demande d'aides financières. Les trois autres parcelles de piquepoule, terret, vermentino et lledoner pelut seront traitées de la même façon.

Alexis Gaudin et Émilie Gal
© A. Gaudin