Xylella fastidiosa fastidiosa détectée sur vigne au Portugal

Le 06/04/2023 à 16:36

Pour la première fois sur le territoire continental de l’UE, Xylella fastidiosa fastidiosa , responsable de la maladie de Pierce, a été détectée sur vigne au Portugal. La mobilisation de la profession est de rigueur, et la question du traitement à l’eau chaude des plants revient au centre du débat.

Le 31 mars 2023, la Direction générale de l’alimentation (DGAL) du ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire annonce que le Portugal « vient de notifier à l'UE la détection de Xylella fastidiosa sous espèce fastidiosa sur un plant de vigne d'une parcelle de deux hectares, âgée de 20 ans, située dans le centre du Portugal, dans le comté de Fundão. » Pour rappel, Xylella fastidiosa est une bactérie colonisant le xylème de près de 600 plantes (dont 200 pour lesquelles la bactérie est un danger mortel). Elle se propage par le biais d’insectes piqueurs-suceurs, pour la plupart polyphages, se nourrissant de sève brute en piquant le xylème des végétaux. Une cinquantaine d’espèces sont répertoriées comme potentielles vectrices. La bactérie est un organisme de quarantaine émergent en Europe. « Son incidence économique, environnementale ou sociale potentielle est considérée comme la plus grave pour le territoire de l'Union », peut-on lire sur le site du ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire.

 

Sur la vigne, Xylella fastidiosa fastidiosa

À ce jour, trois sous-espèces principales de Xylella fastidiosa sont présentes en Europe : multiplex, pauca, fastidiosa. En 2023, la bactérie est présente en Corse, Paca et Occitanie, via les souches X. fastidiosa multiplex ou X. fastidiosa. La vigne est concernée par la sous-espèce X. fastidiosa fastidiosa , responsable de la maladie de Pierce. Avant cette annonce du Portugal, cette forme n’avait encore jamais été détectée sur le continent européen. « Un foyer a été notifié à Majorque en 2016 par l'Espagne », indique la DGAL. La maladie de Pierce, conduisant au dépérissement voire à la mort du pied est extrêmement dommageable pour le vignoble.

Vigne touchée par la maladie de Pierce en Californie.
(© J. Clark, University of California, Berkeley)

 

Une arrivée redoutée

« Nous considérons toute la mesure de cette annonce, et nous attendons des précisions de la part des autorités portugaises sur les conditions de découvertes de ce cas, et ce, pour nous aider à orienter la prospection et les analyses », indique Jacques Grosman de la DGAL. Les autorités françaises attendent en effet d’autres éléments de contextualisation : le type de matériel végétal, s’il s’agit d’un complant (nécessitant de remonter la filière), si le prélèvement a été effectué sur un végétal symptomatique ou non. « Nous redoutions cette arrivée depuis plusieurs années, déclare François-Michel Bernard, spécialiste de la bactérie à l’IFV . Mais nous n’avons pas non plus d’éléments sur l’épidémiologie de la bactérie sur vigne en Europe. Nous ne pouvons pas calquer sur ce qu’il se passe aux États-Unis : nous n’avons pas les mêmes insectes vecteurs, ni les mêmes conditions de production. »

 

Surveillance accrue

«  S’agissant du territoire métropolitain, la culture de la vigne fait déjà l'objet d'une surveillance intense de la part des services de l’État [ndlr voir encadré] dans le cadre de la surveillance officielle des organismes nuisibles règlementés et émergents (SORE). » La DGAL indique qu’en 2023, plus 2 000 parcelles seront inspectées, via des examens visuels relatifs à Xylella spécifiquement sur vigne (basé sur des cartes de risque de l’Anses, sur un gradient sud-nord, dans les zones les plus chaudes à hiver les plus doux) et près de 300 prélèvements seront dédiés à la recherche de cette bactérie. « Nous avons cet avantage d’avoir enclenché la surveillance sur vigne très en amont. En Italie et en Corse, lorsque la bactérie a été identifiée, elle était déjà installée depuis plusieurs années », complète François-Michel Bernard.

 

L’efficacité du traitement à l’eau chaude

L’annonce de l’entrée de la bactérie sur le territoire continental de l’UE remet le traitement à l’eau chaude des plants au cœur du débat. Depuis 2015, l’EFSA, autorité européenne de sécurité des aliments, conclut que cette méthode est efficace pour lutter contre Xylella fastidiosa dans les plants de vigne en dormance. C’est également confirmé par l’IFV : « À ce jour, il n’existe aucun moyen curatif efficace contre Xylella fastidiosa. La seule exception concerne le matériel végétal vigne : en effet, le traitement à l’eau chaude, selon les mêmes modalités que celles préconisées pour éradiquer le phytoplasme de la flavescence dorée (bain d’eau chaude à 50°C pendant 45 minutes), permet d’éradiquer la bactérie éventuellement présente dans les vaisseaux du xylème et d’obtenir ainsi des plants de vigne exempts de Xylella fastidiosa  », annonce François-Michel Bernard de l’IFV.

Un des symptômes de la maladie est des rameaux affectés aoûtant irrégulièrement, restant verts par endroits.
(© J. Clark, University of California, Berkeley)

 

Une dynamique à conforter

Selon Jacques Grosman, la dynamique d’augmentation des plants de vigne traités à l’eau chaude, est positive. « Notamment via, le nouvel arrêté ministériel de lutte contre la flavescence dorée, paru en avril 2021 et en cours de revalidation. Nous réfléchissons au renforcement des obligations de traitement à l’eau chaude du matériel de multiplication, notamment pour celui sortant des zones délimitées et en enrayement. » Il rajoute que la France possède le plus de stations de traitement à l’eau chaude au niveau mondial (une soixantaine agréée par FranceAgrimer). « Et le système de traçabilité des plants ayant été traités à l’eau chaude au sein de la marque Vitipeps des pépiniéristes est un bon signe allant dans le sens de l’augmentation du nombre de plants traités. »

 

Se former à la reconnaissance de la maladie

François-Michel Bernard rajoute que hormis le traitement à l’eau chaude des plants, les seuls moyens de lutte contre la bactérie reposent sur la détection des symptômes , le plus précocement possible. « Défendre le traitement à l’eau chaude pour tous les plants sortants de pépinières est primordial pour éviter la propagation de la bactérie. Mais nous devons aussi absolument nous former à reconnaître les symptômes de la maladie », interpelle Hélène Thibon, vigneronne au Mas de Libian en Ardèche et membre du Conseil national d'orientation de la politique sanitaire animale et végétale (Cnopsav). « La bactériose est dure à détecter, confirme François-Michel Bernard de l’IFV. On peut facilement la confondre avec l’esca, ou des grillures. » Pour le spécialiste, au moindre doute, il faut contacter un référent compétent sur la question, comme un technicien participant au BSV. « Les vignerons doivent être acteurs pour assurer une détection la plus précoce possible, notamment lors des prospections pour la flavescence dorée. » La vigneronne lance l’alerte : « Il faut agir rapidement. Cette maladie est pire que la flavescence dorée ou le phylloxera. À nous de mobiliser nos syndicats, nos AOP, nos chambres d’agriculture. Tous doivent s’emparer de la question, car au-delà de la vigne, il y va de la protection de nombreuses filières. »

L’un des signes de contamination est le dessèchement rapide et soudain d’une partie des feuilles, qui se nécrosent tandis que les tissus adjacents deviennent jaunes ou rouges.
(©Ensa Montpellier)
Et les grappes sont partiellement ou totalement flétries et rabougries.
(©California Government)

Frédérique Rose

Surveiller, éradiquer, restreindre
La stratégie de surveillance et de lutte contre Xylella fastidiosa est le suivant :

  • Surveillance pour la détection précoce de la présence de la bactérie dans l’ensemble du territoire : surveillance des foyers, surveillance à l’import, à l’export, autocontrôles, surveillance dans le cadre de la délivrance du Passeport Phytosanitaire (PP) ou encore vis-à-vis d’organismes réglementés ou émergents (SORE). Elle s’appuie aussi sur les réseaux d'épidémiosurveillance (Ecophyto) et de surveillance des forêts (DSF). Et dans le cadre de la plateforme ESV – Épidémiosurveillance en Santé Végétale  –, un groupe de travail spécifique à Xylella fastidiosa, a été créé.
  • Éradication de l'organisme nuisible par destruction des végétaux contaminés et suspects dans les zones infectées.
  • Restriction de mouvement des végétaux sensibles provenant des zones délimitées.

 

Sources

https://www.vignevin.com/article/xylella-fastidiosa-une-bacterie-mortelle-pour-200-especes-vegetales/

https://agriculture.gouv.fr/xylella-liens-utiles-et-documentation

https://agriculture.gouv.fr/xylella-la-surveillance-du-territoire-francais