Les vignerons bio ne sont malheureusement pas à l’abri d’une contamination fortuite de leurs raisins, moûts ou vins, par des résidus de pesticides de synthèse. Cela est rare, mais peut arriver bien qu’ils n’en utilisent pas : ces produits sont bien sûr interdits dans le cahier des charges bio ! Pierre-Henri Cosyns fait part de son expérience sur le sujet.
Même avec des pratiques vertueuses, de rares contaminations sont observées. Organismes certificateurs et associations sont là pour accompagner les vignerons.
DES TRACES… MAIS PRÉSENTES DANS LES RÉSULTATS
Ma production est entièrement certifiée biologique depuis 2012. J’aimerais partager mon expérience personnelle des résidus de pesticides de synthèse dans les vins bio. En effet, quand j’ai commencé à commercialiser mes premières cuvées bio, je me suis amusé à faire analyser tous mes vins et à offrir à ma clientèle l’analyse des résidus. C’était en données ouvertes et accessibles sur mon site web en scannant un QR CODE de la contre-étiquette de chaque bouteille. Cela a été très bien reçu par mes clients. Mais après quelques années, il m’est arrivé que des traces infinitésimales d’acide phosphoreux aient été détectées dans un échantillon. Pourquoi ? L’analyse de l’acide phosphoreux en tant que métabolite est récente et est devenue de plus en plus précise au cours des dernières années. Métabolite du Fosetyl-Al, il crée un réel bruit de fond du fait de la présence importante de ce dernier dans l’environnement et des dérives des parcelles conventionnelles à proximité.
ANTICIPER LES PROBLÈMES
En tant que vigneron bio, nous sommes totalement impliqués pour travailler aussi vertueusement que possible. Nous avons de véritables convictions pour la protection de notre environnement, de nos employés, de nos familles, de nos voisins et de nos clients. Néanmoins nous ne vivons pas sous cloche. Notre vignoble non plus. Il est inutile de le nier. En comprenant l’origine de ces phénomènes, nous pouvons anticiper les problèmes et défendre des seuils d’acceptation et progresser dans l’interprétation des analyses.
Les principales sources de contamination sont :
- Contamination du vignoble par le voisinage et certains engrais foliaires
- Contamination croisée dans les ateliers mixtes biologiques/non biologiques, rejets de contenants.
- Ou encore biais/erreur dans la méthode de mesure/d’analyse
AVERTIR SON OC
En France, l’Inao a établi la règle selon laquelle toute trace de résidus dans les vins bio mesurée au-dessus de 0,02 mg/kg entraîne un blocage et une procédure d’investigation. En cas de traces décelées au-delà de 0,02 mg/kg, c’est la double pénalité donc : nous devons nous justifier et nous éprouvons une certaine culpabilité alors que nos pratiques sont les plus vertueuses et ne font pas intervenir ces molécules. Nous devons garder à l’esprit que l’analyse des pesticides doit être mise en perspective et qu’elle est un outil. Une analyse positive n’est une fraude que si le dosage est important et argumenté. Gardons la tête froide en cas de souci. Il faut prévenir son organisme certificateur en cas d’analyse positive et lui transmettre les résultats d’analyses ainsi que tous les documents utiles. C’est à eux que revient l’évaluation de la contamination.
Note : L’Inao a publié une note d’information sur les mesures à prendre en cas de soupçon de manquement aux règles de la production biologique.
PRENDRE DE L’AVANCE
Pour assurer le déblocage et l’investigation, il est bon que le plan de gestion des risques (ou plan de contrôle HACCP) soit bien mis en œuvre sur son exploitation. Il faut disposer du maximum d’éléments pour apporter la preuve : date de prélèvement, organe prélevé (feuille, grappe), pression sanitaire du millésime, distance avec les voisins/autres agriculteurs, plan HACCP, données de mise en bouteilles, traçabilité complète de la parcelle à la bouteille, prestation, travail en Cuma, plan de nettoyage du matériel, plan du vignoble et proximité des voisins, calendrier de traitements des parcelles à risque, lettre d’interprétation et d’explication… Avec ces éléments, la gestion du dossier prend moins de temps. Il faut être réactif, prendre contact avec son organisme de certification pour solutionner le blocage. Les organismes certificateurs détermineront après enquête, si la présence de résidus est fortuite (absence de responsabilité de l’opérateur) ou non fortuite (fraude ou mauvaise gestion de la mixité).
ÊTRE ACCOMPAGNÉ
On peut aussi se faire aider. Des associations, comme Vignerons Bio Nouvelle-Aquitaine peuvent nous accompagner techniquement et juridiquement en cas de contrôle positif de l’organisme certificateur. Des grilles d’auto-diagnostic aident à se poser les bonnes questions. Certains labels, comme Zéro Résidu de Pesticides, n’interdisent pas l’utilisation des molécules de synthèse. D’ailleurs le nom complet est Zéro Résidu de Pesticides dans les limites de quantification et le label donne une dérogation à l’acide phosphoreux métabolite de la dégradation du Fosetyl-Al très utilisé en conventionnel. On peut donc s’interroger sur l’honnêteté intellectuelle, environnementale et commerciale d’une telle démarche. Toute diminution de pesticides peut être saluée, mais l’agriculture biologique reste la plus exigeante en interdisant les molécules de synthèse, les OGM et les engrais chimiques. Ainsi, elle est la seule démarche qui acte une réelle transition agroécologique. Plus nous serons nombreux et plus ces problèmes de contaminations disparaîtront.
Pierre-Henri Cosyns
© Pierre-Henri Cosyns
LE PARTAGE DE PIERRE-HENRI :
en discuter en amont avec l’OC
Ne pas hésiter à discuter avec vos contrôleurs de comment ces problématiques sont gérées. À mes débuts, j’ai eu plusieurs contrôles sur raisin et sur cuve. Cela m’a permis de mieux comprendre la procédure de mon organisme certificateur.