Parcours dans l’Hérault épisode 2 :
Recherche équilibre physiologique

Le 12/05/2022 à 15:07

Pour la gestion de l’enherbement, le domaine de Cébène ne déroge pas à l’art du compromis et de l’adaptation ! L’équilibre est subtil à trouver et dépendant de la pluviométrie, toujours incertaine dans cette région méditerranéenne.

L'enherbement, toujours une gestion subtile.

L’équilibre physiologique de la plante est essentiel dans notre recherche de création de vin au goût du terroir. Il participe grandement à l’obtention de raisins de qualité qui n’auront pas besoin d’artifices pour séduire les clients et justifier d’un prix relativement élevé. L’enherbement reste pour nous un moyen efficace de régler cet équilibre physiologique. Aider la plante à le trouver c’est : un peu de fertilisation, et beaucoup d’adaptation de nos travaux culturaux à la parcelle ou à une partie homogène de la parcelle, au cas par cas. Sous le climat méditerranéen avec une pluviométrie de 400 à 600 mm, dont la répartition est parfois très irrégulière, le risque est la concurrence en eau entre enherbement et vigne. Mais la réflexion doit aussi prendre en compte la protection contre l’évaporation du sol, le développement de la matière organique et la régénération naturelle du sol.

UN DÉVELOPPEMENT IMPRÉVISIBLE

Chaque intervention de labour ou de tonte est un pari sur la pluviométrie à venir. Le régime hydrique sous nos climats méditerranéens rend en effet les prévisions de poussée d’adventices difficiles. Le développement de l’enherbement va tenir essentiellement à la pluviométrie, en termes de fréquence et de quantité d’eau. Limiter l’enherbement à Cébène, c’est choisir par exemple entre un désherbage mécanique ou une tonte dont l’effet sera limité à 8 jours en cas de pluie ou à plusieurs mois, si une période sèche intervient ensuite. Dans ce cas, la majorité des plantes vont stopper leur développement végétatif. Elles   maintiendront une couverture du sol et empêcheront la germination de nouvelles plantes. De même, la décision d’un labour interceps reste toujours difficile. Chaque labour pouvant stimuler la germination sur le rang, l’absence de labour pouvant maintenir une couverture. Mais quelle sera la hauteur des adventices préservées ? Une tonte suffira-t-elle pour les maîtriser ?

Enfouissement un rang sur deux.

 

DES PRATIQUES DÉCIDÉES AU JOUR LE JOUR

Il reste donc compliqué de définir une méthodologie de travail. L’enherbement naturel permanent met beaucoup de temps à s’implanter sur nos coteaux, d’autant que nos sols contiennent en général peu de matière organique. Pour un  enherbement maîtrisé,  il faut non seulement veiller à ne pas détruire les jeunes plantules mais aussi à ne pas détruire des plantes déjà développées. Un labour d’aération avec des coutres, sans retournement assèche le sol superficiel, bloque le développement des adventices en place, sans pour autant tout détruire. Ainsi en 2021, dans un hiver très sec, le passage de coutres après la fertilisation organique n’a pas détruit la totalité des adventices (voir photo) et a maintenu un couvert végétal hivernal. La parcelle voisine, non labourée depuis 5 ans (car seul un chenillard peut y pénétrer) montre une densité d’adventices.

À gauche : le rang après passage de coutres. À droite : rang non labouré.

OPTER POUR UN ENHERBEMENT MAÎTRISÉ

La biodiversité s’installe aussi avec le temps. Ce sont aujourd’hui une dizaine d’espèces différentes. Le développement de légumineuses, de luzerne sauvage, apporte certainement une quantité sensible d’azote à l’écosystème. Plusieurs types de graminées s’implantent malgré de faibles apports azotés. Le développement de la folle avoine intervient surtout lors des hivers humides. Le roulage de la végétation est difficile avec le matériel existant sur les jeunes plantules et nos sols caillouteux. Il faudrait pouvoir inventer de nouvelles machines ! Ainsi donc quand la réalisation d’un mulch pour un couvert printanier et estival reste difficile, notre objectif est une couverture d’adventices qui sèchent fin juin après floraison. Ils assurent un couvert contre les ardents rayons de soleil estivaux et le vent du nord qui peut être violent à Cébène, desséchant, responsable d’une érosion éolienne importante après un labour de sols secs. Notre parti pris est à ce jour l’enherbement maîtrisé, plutôt qu’un enherbement semé qui produit plus de masse végétale mais qui peut conduire à un désert en alternance.

Plantules sur un sol aéré.

GÉRER LES ADVENTICES ESTIVALES

En 2021, malgré la germination de quelques graines mi-octobre au lendemain des vendanges, nous avons cette fois-ci décidé d’un labour automnal pour aérer et faciliter la pénétration des eaux de pluie. Dans les   parcelles où l’enherbement naturel est bien installé, la repousse a été faible mais bien présente dans un hiver qui s’est avéré sec. Dans d’autres parcelles où l’enherbement a été quasi nul, l’enherbement naturel s’est développé tardivement après les 278 mm de la 2e   décade de mars 2022, suivis de 108 mm pendant la 3e décade. Ces poussées tardives engendrent des floraisons rapides. La vesce a déjà grainé au 9 mai. Les premières graminées commencent à se dessécher après épiaison. On peut donc penser dans ce contexte qu’un   nouveau labour d’aération avec des dents ou de retournement au disque n’est pas nécessaire : a priori le cycle végétatif de ces plantes restera court et leur maintien empêchera le développement des adventices estivales. Notre expérience en 2019 d’un passage de rotavator peu profond sur une parcelle, nous a confirmé la présence importante de graines estivales dans nos sols secs, avec une grande levée de chénopodes, d’érigerons et d’amarantes, après une pluie. La gestion des vivaces reste difficile. Nous avons souvent recours à un travail manuel pour les ronces et les inules visqueuses. La présence de chênes verts dans les parcelles juxtaposées n’amène pas de développement d’arbustes.

Brigitte Chevalier
© B.Chevalier

LE PARTAGE DE BRIGITTE :
Évitons de compacter, au lieu de décompacter !

Pour éviter de tasser, et pour limiter le compactage, à Cébène, nous avons fait un choix pouvant paraître rétrograde : l’achat d’un tracteur de 50 CV ne pesant que 600 kg. Très peu de modèles sont proposés, et la marque Antonio Carraro reste un des principaux fabricants. Ce modèle articulé présente par ailleurs l’avantage pour nos coteaux d’avoir un centre de gravité très bas et une maniabilité importante nécessitant peu de tournières. Sa consommation est très faible : 2 à 3 litres de carburant/heure suffisent, selon les travaux. Il est vrai que ce choix n’est possible que si l’on travaille de façon artisanale, sur de petites surfaces. Mais faut-il poursuivre la course à toujours plus de consommation, de puissance, de surface ?

Un tracteur plus léger, pour moins de tassement.