Après Robin Euvrard dans le Muscadet, Vitisbio va suivre chaque quinzaine Olivier Renard, installé depuis 2017 dans le Beaujolais. Ce vigneron produit du vin en biodynamie sur trois hectares de gamay.
NÉO-VIGNERON BIO EN QUÊTE DE SENS
Je suis ce que l’on appelle un néo-vigneron : installé hors cadre familial. Né dans une ferme du nord de la France, de parents pépiniériste et paysagiste, j’ai vécu mon enfance au milieu des plantes, des poneys, des poules et des canards, avant de prendre le large pour la ville, les études, puis pour l’étranger. Agroéconomiste de formation (donc ni vraiment agronome, ni vraiment économiste...), j’ai passé une vingtaine d’années à essayer de « maximiser mon impact social » : travailler dans la solidarité internationale, en Asie et en Afrique, au service des paysans, petits producteurs de riz, de thé, de latex en Asie, de café, de gomme arabique, de banane, d’ananas ou de lait en Afrique...
Devenu « expert senior » en appui au développement des filières, j’ai cependant vu cette profession merveilleuse perdre de son sens, comme pour tant d’autres métiers aujourd’hui. Aux Dieux de la concurrence, de l’efficacité, de la performance, ils ont comme partout sacrifié l’humain, le vivant, le lien. Alors, que faire ? Rester et essayer de changer la machine de l’intérieur ? Illusoire.
Comme tant d’autres anciens collègues autour de moi, j’ai donc pris le maquis, les chemins de traverse, la poudre d’escampette, pour rejoindre le dernier bastion qui résiste encore et toujours à l’envahisseur : l’agriculture. Bien sûr biologique, et tant qu’on y est, paysanne et en biodynamie.
Le vigneron travaille avec son cheval le sol de ses trois hectares de vignes. (© Étienne Ramousse)À CHEVAL EN BEAUJOLAIS
Une fois la décision actée, je me suis lancé. Nous nous sommes lancés. Destination le Beaujolais : terre accueillante, de petits vignerons (mais pas que), terre longtemps en souffrance aussi, qui a eu mal à son sol et à son image, mais qui relève, aujourd’hui, le défi de la transition écologique, comme elle a toujours su relever les défis de son temps... À Villié-Morgon, en famille, parce qu’une aventure pareille, cela se mène collectivement. En prenant bien soin de suivre le vieil adage paysan : ne pas mettre tous les œufs dans le même panier... Mon épouse Stéphanie garde donc son poste salarié, tout en m’aidant autant que possible, au gîte et surtout aux vendanges. Et moi je garde quelques missions d’expertise, enrichies de ma nouvelle expérience « d’acteur » d’une filière agricole.
Aujourd’hui, je travaille mes trois hectares de vieilles vignes de gamay, au cheval, pour produire des vins rouges (Morgon, Beaujolais Villages) et selon l’année, des rosés. Le domaine est certifié bio et biodynamie depuis 2020.
Les outils de traction ont été trouvés localement, dans les granges du Beaujolais. J’ai investi dans du matériel pour les vendanges, pour l’élevage, pour la pulvérisation à dos… Je loue un cuvage à un vigneron à la retraite et les fûts et les bouteilles se situent au sein de notre maison vigneronne.
5% SUFFISENT
Un navigateur célèbre a dit : « Pour se mettre en marche, il suffit d’avoir 5 % de réponses à ses questions. Les 95 % restants viennent le long du chemin. » 5 % : voilà à peu près où je devais en être en 2017. En faisant la liste des compétences nécessaires (une bonne quarantaine selon Pôle Emploi), je devais en cocher à peine 3 ou 4, les plus générales... Les choses sont allées trop vite pour repasser par les cases « formation » et « stage », alors j’ai pris le parti d’apprendre en marchant, et mes maîtres ont été les vignerons en bio et nature du Beaujolais, toujours disponibles pour un conseil, un coup de main, un tuyau...
J’ai aussi pu bénéficier des formations courtes organisées par l’Ardab (association Rhône-Loire pour le développement de l’agriculture bio), et plus récemment, par le MABD (mouvement de l’agriculture bio-dynamique). L’apprentissage est permanent. J’essaye aussi de m’investir sur mon territoire. Les expériences collectives sont si riches d’enseignements pour tous... Mon modèle se veut le plus résilient et autonome possible.
Olivier Renard