Avant plantation de nouvelles vignes ou de haies, les Thibon mettent un point d’honneur à laisser la terre se reposer, et à préparer le sol, tout en le respectant. Les nombreux atouts des haies sont bien valorisés au Mas de Libian, et les nichoirs ont trouvé leur place.
S’octroyer un bon repos
Mais qu’il fait froid ! Pas une goutte de pluie en janvier mais beaucoup de mistral. Finalement, cela fait notre affaire car nous avons à planter cette année, et avec nos sols argileux il ne vaut mieux pas trop se rater ! C’est une parcelle qui a été arrachée en 2008. Depuis, nous avions fait des prairies (graminées et légumineuses) et comme rien ne se perd chez nous, les chevaux étaient assez contents de cette « rotation de culture ». On ne parlera jamais assez du repos de sol. Lilian Bérillon a coutume de dire que comme un grand sportif, quand la terre a beaucoup donné, il faut un temps de récupération, de pause. Ce temps de pause ne veut pas dire non plus ne rien faire et s’avachir misérablement devant un écran ! Non, le sol doit se reposer de sa vigne mais rester absolument actif. Comme nous avons des équidés et que nous avons besoin de les nourrir, à Libian nous semons des prairies en mélange. Mais on peut imaginer beaucoup d’autres façons de faire. Dans tous les cas, la jachère sauvage, ne nous semble absolument pas la solution. La terre a beaucoup cédé lors de la culture de la vigne, alors durant ce temps de récupération, c’est à nous de donner : des légumineuses, des céréales, des graminées, des fleurs, etc.
Le labour, oui, mais intelligent
À l’automne dernier, nous avons fait venir un bull pour ripper dans les deux sens, ce travail avait déjà été fait après arrachage de la vigne afin que les graminées et légumineuses colonisent tout l’espace. C’est très intéressant de le faire l’année précédant la plantation et surtout de le faire sous couvert et en période sèche pour éviter le lissage en profondeur. Il est préférable de s’abstenir de ripper sur sol nu : avec les pluies toute la « fine » s’en va couler au fond du sillon. L’année de la plantation, nous labourons. Oh le vilain mot pas du tout à la mode ! Alors, nous allons tenter de comprendre pourquoi le labour est devenu le diable. En fait, la diabolisation du labour est venue d’une mauvaise pratique. Comme disait un grand vigneron (Marc Guillemot) : « petit moyen, petite connerie ; gros moyen, grosse connerie ».
Et voilà, encore une fois avec nos gros tracteurs, nos grosses charrues nous avons fait des choses qui ne seraient jamais venues à l’esprit d’un paysan. On a commencé à retourner le sol, à mettre en bas ce qui était en haut et vice et versa. Un bon labour ne doit pas retourner ! Le voici le nœud du problème !
Reconquête de la charrue balance
Il y avait une autre chose qui nous faisait mal, c’était de voir cette grosse roue de tracteur, énorme, au fond du sillon : on laboure dans l’idée d’aérer, de décompacter le sol mais à 70/80 cm on tasse, mais on tasse pour de vrai, bien lisse… Alors, nous voilà partis en chasse d’une vieille, vieille charrue, de celle que l’on met au rebut, qui fait rigoler tout le monde : la charrue balance. Je vous l’accorde, c’est franchement plus long, mais elle a vraiment beaucoup d’intérêts pour s’arrêter uniquement au temps passé. D’abord, elle ne retourne pas, elle déplace la terre en respectant les horizons. Le tracteur ne roule pas dans le sillon, on peut l’atteler à notre chenillard – qui va encore moins tasser.
Nous sommes ainsi absolument autonomes et nous pouvons choisir le moment précis où le sol se donne. Tout cela, nous l’avons appris au fur et à mesure de nos rencontres et échanges, notamment grâce aux formations avec Yves Hérody et Dominique Massenot. J’espère que les photos seront suffisamment explicites. Si vraiment vous ne trouvez ni l’explication, ni les photos suffisamment claires, n’hésitez pas à nous contacter par mail (h.thibon@wanadoo.fr), en plus ça nous fera plaisir car j’ai souvent, un peu l’impression de parler toute seule !
Viser l’enracinement profond
Une fois que le labour est terminé, on laisse passer un ou deux jours de mistral et on passe le vibroculteur : voilà, c’est prêt ! Que l’on plante de la vigne ou une haie, la préparation est la même. Il nous semble important de donner à la vigne, à l’arbuste, à l’arbre toutes les chances de bien s’implanter profondément et rapidement. Avec le changement climatique, l’enracinement profond est devenu vital, il n’y a plus à discuter ! Nous choisissons également de ne pas arroser les plantations. Entendons-nous bien : nous arrosons et beaucoup à la plantation, mais sauf sécheresse exceptionnelle (type 2017 : dernière pluie mi-mai et la suivante mi-novembre) pas d’arrosage une fois l’arbre en place. Cela oblige la plante à s’enraciner vite et loin. Il est bien évident que la plantation ne doit pas se faire tard en saison sinon on court à la catastrophe. Une exception pour les complants les années très sèches. Mais ceci nous arrive rarement car en plantant des porte-greffes ils se débrouillent bien mieux.
La haie, ses bienfaits
Pourquoi planter des haies ? La première idée est bien sur la biodiversité, mais la haie a plus d’un tour dans son sac ! Elle nous protège du vent et chez nous ce n’est pas rien. Elle peut protéger de certains voisins et de leurs produits phyto et ça aussi ce n’est pas rien ! Elle procure de l’ombre aux pauvres vignerons en plein été lors de la pause. Elle produit des fruits. Je glisse toujours un cerisier, un figuier, un amandier (éviter les noisetiers possiblement porteurs de FD), un poirier, dans les haies. Ainsi la pause est encore plus agréable. Elle nous fournira du bois de chauffage. Elle structure un paysage et nous croyons que l’être humain se comporte mieux quand il est dans un bel environnement. Elle retient le sol et l’eau : cf. photo ci-dessous.
Oui, nous plantons la haie sous un film plastique tissé. Pour l’instant nous n’avons pas trouvé d’autres solutions. Car le BRF, la paille de lavande (que l’on trouve à foison dans notre région) attirent les sangliers nous retournant consciencieusement les petits plants. C’est une solution, elle vaut ce qu’elle vaut… Elle ne nous enchante pas car il faudra l’enlever ce film au bout de quelques années et c’est du boulot. Au bord du film tissé, nous jetons toujours des graines de fleurs à la volée (souci ou phacélie).
À chacun son rôle
Nous plantons différents types de haies selon ce que l’on cherche :
- Du cyprès de Provence si c’est une haie coupe-vent (arrêtant complètement le vent)
- Pour une haie brise-vent (atténuant le vent), nous plantons un grand arbre tous les dix mètres, associés tous les mètres à des arbustes
- Pour une haie de limite et de biodiversité nous ne choisissons que des petits arbustes qui seront taillés à deux mètres maximum.
Pour le choix des plants, nous sommes accompagnés par (nous achetons en commande groupée des essences locales) et par la . Nous avons eu la chance de suivre une formation avec Mme Sylvie Monnier, d’une compétence et d’un dynamisme exceptionnels ! Pour compléter notre formation, nous avons également suivi un stage avec La première année, bon élève, nous avons placé les nichoirs dans les vignes. Nous n’étions pas très à l’aise avec ça (nous dérangeons les oiseaux et les nichoirs reçoivent les traitements)… Aujourd’hui les nichoirs sont autour des parcelles, sur des arbres isolés des talus, dans les haies. Et ils ont l’air bien plus attrayants pour nos amis oiseaux. Nous avons la chance aussi de ne pas vivre dans une « mer de vignes » et donc d’avoir beaucoup d’arbres, de talus, de haies où l’on peut accrocher nos nichoirs.
Le partage d’Hélène : un talus en cas de voisinage compliqué
Si vous avez un voisin toxique, qui n’aime pas les haies et qui s’acharne à les écraser avec ses outils… Voilà un conseil pour éviter ce massacre, et tous les problèmes de voisinage que cela engendre : faire un talus (après bornage) sur la limite puis planter les arbres derrière le talus : c’est radical !
Nous allons planter une haie en bordure de prairie ou nous avons des petits soucis de rongeurs… Alors pour inciter les rapaces à venir travailler un peu pour nous, il est prévu de planter de grands poteaux avec une piste d’atterrissage et d’observation pour les buses, milans, petits faucons, etc.
Hélène Thibon
(Crédit photo: Mas de Libian)