Dans cet épisode, Hélène Thibon laisse reposer la vigne et se concentre sur une autre culture du domaine : les oliviers. Rien de hors-sujet, car la production d’olives fait partie intégrante du projet du Mas de Libian : savoir se nourrir seuls, et assurer la diversification du domaine, suivant l’adage bien connu de ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier !
L’olivier : bon partenaire de la vigne
Bonjour à tous, nous revoilà !
J’avais prévu de vous parler des maladies du bois… Mais depuis une dizaine de jours nous ramassons les olives, et c’est vraiment ça notre actualité en cette fin novembre. C’est une belle année, malgré les pertes dues à la mouche de l’olive. En effet, nous pensons que la culture de l’olivier est parfaitement compatible avec celle de la vigne, contrairement aux fruits à noyaux : car la récolte des cerises, abricots, pêches etc. est exactement en même temps que la période végétative la plus sensible de la vigne. Partant du principe que l’on ne peut pas tout faire bien - on a essayé à nos débuts et ce fut une catastrophe - on se contente de l’olivier. Mais, il y a une période critique pour un vigneron, c’est le moment des vendanges ! Et quand, comme cette année, il fait humide et que nous n’avons pas le temps de traiter, les attaques de mouches sont fatales. Pour se protéger des piqûres de la mouche de l’olive nous utilisons un moyen super efficace et peu onéreux : l’argile. Ça donne un aspect un peu blanchâtre à l’arbre, il faut également bien expliquer au voisin que ce n’est pas toxique parce que ça fait un sacré nuage tout autour de l’atomiseur mais c’est radical sauf que… c’est soluble ! Donc, à chaque pluie, il faut recommencer et pendant les vendanges nous faisons l’impasse, alors les mouches s’en donnent à cœur joie !
La culture de l’assemblage
À Libian nous avons essentiellement des variétés anciennes ardéchoises ou gardoises. L’important est d’avoir de petites olives. Et oui, elles intéressent moins la mouche qu’une grosse olive bien dodue ! Nous avions quelques oliviers comme la Tanche - merveilleuse olive de Nyons - mais bien trop grosse, on peut parler « d’aspirateur à mouches » : on n’en récoltait plus aucune ! Du coup, mon père les a surgreffées avec grand succès. Comme chez nous la culture de l’assemblage n’est pas un vain mot nous faisons une huile avec de la Négrette (ma préférée, autant pour la table que pour son huile), la Rougette, la Pointue d’Ardèche, l’Aglandau, la Verdale, la Picholine, la Sauzen, Cayon, Le Cailletier (une petite entorse car elle est niçoise, mais toute petite et délicieuse) et quelques arbres anciens inconnus.
Projets de commercialisation
Les olives sont portées tous les soirs à un moulin proche de chez nous. Comme pour les raisins il est important de presser rapidement la récolte, et ce, pour deux raisons : éviter le chauffage des olives et l’oxydation. Ensuite les huiles sont assemblées dans une petite cuve inox. On laisse déposer à température constante (environ 15°C) puis on embouteille. Il est également important de conserver l’huile sans qu’elle fige, toujours pour la protéger de l’oxydation. Nos deux hectares d’oliviers peuvent donner jusqu’à 6 hL. Nous consommons uniquement de l’huile d’olive comme matière grasse - nous gardons entre 1 à 2 hL - et le surplus est vendu. Pour l’autoconsommation, nous préparons des olives en saumure pour la table. Cette année nous en faisons un peu plus car nous avons en projet de faire de la pâte d’olives (c’est absolument addictif !) grâce à un ami niçois équipé. Si le test est réussi nous envisagerons de la commercialiser. Les cavistes sont en demande, notamment pour proposer un complément, pour les apéritifs ! Cela serait un beau produit de diversification. Plus nous avançons (nous vieillissons quoi !) plus il nous semble judicieux de diversifier encore davantage notre ferme.
Le partage d’Hélène : approfondir la résilience des fermes
J’aimerais faire un petit point sur la diversification des fermes paysannes : on pourrait également employer le mot « résilience ». Nous sommes, je crois, tous bien conscients que le changement climatique, entraînant des épisodes violents et extrêmement préjudiciables pour nos cultures et par conséquent nos revenus n’est plus une vue de l’esprit… La résilience est de mise ! Dans nos domaines viticoles, souvent en monoculture, nous sommes extrêmement vulnérables, on le constate bien cette année. Nous ne pensons pas que l’assurance récolte soit la solution. D’abord parce que nous partons du principe qu’une assurance n’est pas une entreprise de bienfaisance et que ce ne sera pas durable, comme en témoignent les hausses de cotisations annoncées. Alors, il nous reste le bon vieux modèle ayant permis à nos anciens de traverser les siècles : la diversification des cultures. Mais, avec une réflexion adaptée à notre époque car il est bien évident que nous ne travaillons plus comme il y a 150 ans que les besoins et les coûts ne sont plus les mêmes. Alors, les portes sont ouvertes à toutes les idées, les expérimentations, les échanges entre nous paysans : nous sommes riches de projets, de savoirs, surtout si on les partage. Échangeons nos semences, nos plants, nos bois (dans le respect sanitaire !), nos réflexions : la résilience commence là ainsi que notre Liberté !
Hélène Thibon
(Crédit photo: Mas de Libian)